Alors que le décret gouvernemental sur la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé doit entrer en vigueur le 15 novembre prochain, le juge de la Cour supérieure du Québec Michel Yergeau rendra sa décision le même jour quant à une possible suspension temporaire.
C’est ce qu’il a affirmé ce matin au palais de justice de Montréal où se déroule l’audience sur la question du sursis d’application du décret datant du 24 septembre. Les tribunaux entendront le dossier sur le fond au mois de janvier 2022, puisque le fardeau est très lourd pour suspendre l’application d’une loi à cette étape, a expliqué le juge Yergeau.
L’avocate montréalaise Me Natalia Manole, qui dit représenter plus de 3000 travailleurs, a entamé des procédures judiciaires pour faire invalider le décret du gouvernement du Québec.
«Plus de mal que de bien»
Selon Me Manole, l’application du décret sur la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé causerait «plus de mal à la population que de bien».
En effet, elle craint que cela engendre plusieurs bris de services qui conduiraient à une «situation catastrophique».
«Il y aura des décès, de la souffrance, des chirurgies de cancer annulées ou reportées, des rendez-vous avec des spécialistes annulés ou reportés, des fermetures de lits dans les CHSLD», a-t-elle plaidé.
Pour faire ces hypothèses, elle se base sur de nombreuses déclarations sous serment écrites par travailleurs de la santé, dont des médecins spécialistes.
Pour l’heure, environ 20 000 travailleurs du réseau de la santé ne sont pas vaccinés, dont 8000 à Montréal. Dès l’entrée en vigueur du décret, ils seront mis en congé sans solde.
Le nombre de personnes affectées par le décret en fait une question d’intérêt public, a affirmé Me Natalia Manole lors de sa plaidoirie. «C’est 20 000 personnes qui ne pourront subvenir à leurs besoins, qui sont déprimées, certaines au point de se suicider», a-t-elle ajouté.
Le dépistage obligatoire plutôt que la vaccination obligatoire
L’avocate soutient que ses clients ne sont «pas contre la vaccination» pour protéger l’ensemble de la population.
Un de ses arguments est toutefois que, selon des études scientifiques, les personnes vaccinées propagent le virus de la COVID-19 autant que les non-vaccinés. Me Natalia Manole suggère donc de privilégier le dépistage de tous les travailleurs de la santé.
Le juge Yergeau lui a alors demandé si elle avait une évaluation des ressources nécessaires pour administrer tous les tests aux vaccinés et aux non-vaccinés. «En quoi c’est préférable de perdre 20 000 ressources pour du dépistage que d’imposer la vaccination? C’est encore une fois une question d’attribution des ressources», a-t-il souligné.
«Ce n’est pas l’objet de la demande», lui a répondu Me Manole, qui plaide la balance des inconvénients. «Pourquoi aller dans une situation tragique quand on a les ressources pour tester les non-vaccinés trois fois par semaine et garder le système qu’on a en place, qui déjà n’est pas merveilleux», a-t-elle ajouté.
L’avocate faisait ainsi référence à l’arrêté ministériel du 16 octobre dernier qui force les travailleurs de la santé non vaccinés à subir trois tests de dépistage par semaine jusqu’à l’entrée en vigueur du décret sur la vaccination obligatoire.
Après avoir reporté une première fois la date butoir au 15 novembre, le premier ministre François Legault a ouvert la porte à un autre report de l’entrée en vigueur du décret lundi dernier.
Cet après-midi, les avocats du Procureur général du Québec, Me Stéphanie Garon et Me François-Alexandre Gagné, seront appelés à plaider à leur tour.