Les Montréalais redécouvrent les plantes indigènes
Avec le confinement, les Québécois prennent le temps de jardiner et redécouvrent les plantes du pays. Pépinière Rustique, qui ne produit que des plantes et semences indigènes, a vu ses ventes directes aux citoyens augmenter de 300% depuis le début de la pandémie. «La tendance était là, mais il y a vraiment un effet Covid. On voit surtout un intérêt pour les plantes comestibles, médicinales, et celles qui attirent les pollinisateurs», dit Benoit Bertrand, le propriétaire de la pépinière.
«Avec la Covid, les gens ont plus de temps pour jardiner, mais aussi, il y a une prise de conscience sur notre fragilité et celle de la nature en général. Ça les a motivés à passer à l’action», ajoute ce passionné de plantes indigènes depuis 25 ans.
«Je vais semer de l’ancolie du Canada en bordure du boisé au fond de la cour cette année! Le sol est parfait pour ça, ça résiste bien au vent, ça attire les oiseaux-mouches. J’aime bien que ce soit indigène, j’ai l’impression d’amener la forêt dans ma cour», explique Mélanie, une Montréalaise qui découvre les vertus de ces plantes.
D’autres les connaissent depuis longtemps et continuent leur plantation pour des raisons écologiques. «Je fais pousser de l’ail des bois depuis plus de 10 ans. Les raisons ? Pour donner un coup de pouce à l’espèce qui a beaucoup souffert du trafic illégal et aussi parce que c’est accessible pour cuisiner», souligne Mélissa, qui a une centaine de plants dans sa cour.
Les plantes dites indigènes sont les espèces végétales – arbres inclus – présentes sur le continent américain avant l’arrivée des colons. Du fait de leur survie millénaire, ce sont des plantes beaucoup plus adaptées aux conditions de vie locale. Elles sont ainsi plus résistantes au climat canadien et à ses ravageurs.
Elles sont également plus propices au développement de la faune canadienne. Les insectes et les pollinisateurs sont plus habitués à ces plantes, et donc vont être plus attirés par celles-ci, contrairement aux plantes développées seulement pour leur intérêt ornemental.
«Les plantes importées que l’on voit dans les magasins n’ont en général aucun intérêt pour nos pollinisateurs. Ce sont souvent des plantes très transformées qui ne produisent aucun nectar ou pollen», affirme Benoit Bertrand.
À la découverte de ce patrimoine végétal à Montréal
Redécouvrir les plantes d’ici participe également à la préservation du patrimoine végétal canadien. «Il faut savoir que 80% des plantes dans le sud du Québec sont des espèces importées par les premiers colons. Comme le chiendent, la bardane, la brunelle ou le plantain. Ce sont toutes des plantes qui ne poussaient pas ici originellement. C’est fou tout ce qu’on a perdu en à peine deux siècles», fait remarquer Anny Schneider, herboriste et autrice du livre Plantes médicinales indigènes du Québec et du sud-est du Canada.
Ces espèces poussent surtout dans leur environnement naturel, que ce soit en forêt, dans les marécages ou les tourbières. Cela est dû au fait que ce ne sont pas des plantes isolées. Certaines espèces, comme l’ail des bois, ont besoin de mille individus pour avoir une colonie viable à long terme. On peut cependant en observer dans quelques coins de Montréal. Anny Schneider en a repéré sur le Mont-Royal, en y incluant ses cimetières, au Bois-de-Liesse, mais aussi aux Jardins Gamelin dans le Quartier des spectacles. Le jardin des Premières-Nations du Jardin botanique offre également un panorama des espèces existantes.
Pour ceux qui voudraient en planter dans leurs balconnières ou dans leur coin de cours, Anny Schneider recommande des espèces peu envahissantes et aimant la semi-ombre. «Du gingembre sauvage ou du thé des bois sur un balcon, c’est bien. C’est un bon digestif et un bon anti-inflammatoire. Les rhododendrons, c’est un arbre indigène qu’on peut cultiver dans un petit jardin, c’est ornemental et médicinal», indique l’herboriste.
«Les plantes indigènes ne sont pas très connues de la population. Je trouve important d’éduquer la population à la connaissance des plantes de son pays. Ça a une grande valeur pour la société et l’écologie. Plutôt que de tout le temps aller vers des espèces exotiques», déclare le pépiniériste Benoit Bertrand.