L’ère des produits à usage unique
La pandémie a forcé l’ensemble de la population à intégrer plus de produits jetables plastiques dans son quotidien. Difficile de faire remplir son récipient de café ou son contenant de nourriture auprès d’un restaurateur lorsque la situation sanitaire vous oblige à garder vos distances et à réduire les contacts. Sans compter les masques chirurgicaux, devenus obligatoires en milieu de travail et sous conditions à l’extérieur.
Dans une entrevue à The Economist, Antonis Mavropoulos de l’International solid waste association (ISWA), expliquait que la «consommation de plastique à usage unique pourrait avoir augmenté de 250 à 300% en Amérique depuis que le coronavirus s’est installé».
Ces taux d’augmentation s’expliquent par la demande accrue des produits de nécessité qui entourent les mesures liées à la COVID-19 (masques, gants et visières) et l’augmentation de l’utilisation des produits jetables dans la restauration. Ces éléments à usage unique font désormais partie intégrante de notre quotidien, COVID-19 oblige.
La fermeture des salles de restauration (restaurants, bars, brasseries) a forcé les gérants à s’orienter vers la livraison de leurs produits, et à multiplier les emballages et ustensiles à usage unique. Cela s’est vérifié dans l’utilisation des différentes applications de livraison. Le groupe Uber a annoncé que sa branche livraison (Uber Eats) a généré des recettes de 1,4 milliard de dollars pendant la saison des fêtes 2020, soit un bond de 224% sur un an.
La pandémie est venue changer notre regard sur les emballages plastiques. Une étude menée, en août 2020, par le Laboratoire d’analyse agroalimentaire de l’Université Dalhousie constate une modification des mentalités entre 2019 et 2020.
«En 2019, il y avait un fort soutien pour une réglementation plus stricte sur les plastiques (90% d’accord), en 2020, ce soutien a diminué de 11 points de pourcentage (79%). En 2020, 72% des personnes souhaitaient l’interdiction des plastiques à usage unique. En 2020, cette proportion a baissé à 58%.» – Étude sur les emballages alimentaires en plastique: pendant la COVID-19
Avant même la pandémie, les Canadiens jetaient trois millions de déchets plastiques chaque année, et seuls 9% de ceux-ci étaient recyclés.
«Au Canada, près de 90% des plastiques se retrouvent dans des sites d’enfouissement, des incinérateurs ou dans nos lacs, nos parcs et nos océans.» – Fondation David Suzuki
Le site web du gouvernement du Canada n’hésite pas à décrire la problématique des déchets plastiques et marins comme un fardeau pour l’économie et une menace pour la santé de l’environnement, la faune, les rivières, les lacs et les océans.
Les plastiques biodégradables et compostables, pas aussi verts qu’on ne le pense ?
Le gouvernement du Québec a mis en place une stratégie de valorisation de la matière organique (MO), ayant pour objectif de gérer 100 % de la MO des secteurs résidentiels ainsi que des industries, des commerces et des institutions d’ici 2025. Mais les plastiques compostables et biodégradables sur le marché semblent incompatibles avec les filières de traitement des déchets.
Éco Entreprises Québec (ÉEQ) et la firme d’experts-conseils Solinov ont coproduit un rapport sur les plastiques dits compostables et biodégradables, révélé le 13 avril dernier, et se sont aperçus qu’ils n’étaient pas si verts que cela. Le rapport constate que lorsqu’un emballage mentionne les termes «compostable» et «biodégradable», cela n’indique par pour autant qu’il l’est.
«Ces termes sont des autodéclarations non vérifiées par un tiers, on peut raisonnablement douter de la biodégradabilité ou de la compostabilité d’un emballage identifié comme tel par son fabricant.» – Rapport Éco Entreprises Québec
Quant aux certifications qui attestent qu’un produit est apte au compostage, «celles-ci sont volontaires et réalisées en laboratoire dans des conditions spécifiques et contrôlées (durée, température, humidité), différentes de celles sur le terrain», précise le rapport. De plus, parmi les emballages qui sont réellement compostables, ils ne nuiraient pas au compost mais n’y apporteraient aucune «valeur ajoutée».
Les emballages qui se retrouvent dans la bonne filière via les bacs bruns, c’est-à-dire la filière industrielle du compostage et de la biométhanisation, sont parfois redirigés vers l’enfouissement. «Des revêtements (couches barrières, enduits, vernis) ou d’autres composants d’emballage (étiquettes, bouchons ou autres dispositifs d’ouverture) peuvent compromettre leur décomposition biologique et affecter la qualité du compost.»
Ceux qui se retrouvent en centre de tri, via les bacs bleus, sont «triés, retirés et envoyés à l’enfouissement» comme un déchet. Les emballages de plastique dits biodégradables et compostables ne sont généralement pas recyclables. Enfin, «le compactage dans les sites d’enfouissement les prive des conditions idéales à la dégradation», note le rapport.
La pandémie freine-t-elle la transition écologique ?
La ville de Montréal avait démontré, en avril 2019, sa volonté d’adopter au printemps 2020 un règlement interdisant le plastique à usage unique. À l’heure actuelle, «le projet est toujours en cours d’élaboration», expliquent les services de la mairie de la ville de Montréal.
Toutefois, une avancée claire a été réalisée dans l’adoption du Plan directeur de gestion des matières résiduelles 2020-2025. Désormais , le règlement modifié (16-051) «cible l’interdiction de tous les sacs d’emplettes en plastique, quelle que soit leur épaisseur, et ce dans les commerces de détail et les restaurants». Le règlement initial ne prévoyait qu’une réduction de ces sacs d’emplettes.
«52 % des personnes interrogées conviennent que toute nouvelle réglementation devrait attendre que la situation liée à la COVID-19 soit résolue.» – Étude sur les emballages alimentaires en plastique: pendant la COVID-19
Du côté fédéral, la pandémie n’a pas semblé effrayer le gouvernement du Canada en ce qui a trait à la transition écologique. En octobre dernier, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Jonathan Wilkinson, avait annoncé un objectif de zéro déchet de plastique d’ici 2030, au Canada.
Le gouvernement de Justin Trudeau s’est aussi engagé à interdire les plastiques à usage unique qui nuisent à l’environnement dès la fin de l’année 2021 et les travaux sont toujours en cours. «Nous continuons à faire avancer nos travaux réglementaires vers notre objectif d’interdire les plastiques nocifs à usage unique d’ici 2021», précise le ministère de l’Environnement. Des produits comme les sacs en plastique, les pailles, les bâtonnets à mélanger, les porte-canettes, les ustensiles et les contenants pour emporter difficiles à recycler sont ciblés.