Une étrange sensation d’être accompagné dans ses pensées, une visite à l’hôpital et un diagnostic percutant. La vie de Mario-François a été chamboulée à jamais alors qu’il n’était qu’au secondaire. Une décennie plus tard, l’homme de 30 ans est encore incommodé par des voix qui envahissent momentanément son esprit. À présent, toutefois, il se sait plus en contrôle que jamais.
Mario-François ne s’en cache pas, il y a des beaux jours et des moins beaux. Son bonheur est constamment mis à l’épreuve, et son entourage, indispensable à la poursuite de celui-ci. Mais cela ne l’empêche pas de travailler chaque jour au maintien d’une joie de vivre graduellement acquise au fil des années.
«Ça a pris du temps et de la patience, affirme-t-il, des fois les voix peuvent durer une heure et des fois c’est deux jours. Mais on m’a référé à un organisme où j’ai eu un déclic».
Depuis 2014, Mario-François fréquente Camée, un groupe d’entraide en santé mentale situé à Montréal-Nord. Là-bas, il s’est lié d’amitié avec plusieurs membres et a décroché son premier emploi en tant que réceptionniste. Porté par un nouveau souffle, il a pris part au cercle de discussion des entendeurs de voix. Aujourd’hui, c’est lui qui anime les séances de partage.
«On peut enfin en parler ouvertement. Tout le monde partage ses stratégies, ses opinions. C’est l’fun de voir les gens progresser, ça fait vraiment du bien de ne pas être seul. C’est comme ça que moi et d’autres on a appris à apprivoiser nos voix», affirme-t-il.
Camée propose un contexte d’«empowerment» pour ses membres; une approche dite «par et pour» les personnes vivant un problème de santé mentale. Léonie Jalbert, qui travaille pour l’organisation depuis 2019, s’est dite impressionnée par l’implication de Mario-François dans l’organisme.
«C’est quelqu’un qui est très ouvert sur ses difficultés: c’est une grande force qu’il a. Il trouve toujours des façons de s’impliquer, il a d’ailleurs pris la parole au Congrès mondial des entendeurs de voix en 2019», affirme Mme. Jalbert.
Confinement, et ensuite le printemps
Comme tant d’autres, Mario-François a vécu une période plus difficile pendant le premier confinement. Éloigné de ses meilleurs amis et dans l’impossibilité de participer à ses cercles de discussion, il s’est retrouvé désemparé. Lorsqu’il a pu réintégrer les locaux de Camée, Léonie Jalbert a tout de suite remarqué l’effet que l’isolement avait eu sur lui.
«C’était difficile pour lui à son retour, il était plus blême, dans sa bulle. Des fois, il retournait chez lui. Mais il s’est accroché et est devenu un exemple de résilience ici. Maintenant on voit qu’il est bien, il fait des blagues et est devenu un modèle de réussite dans le cercle de discussion», affirme-t-elle.
Mario-François sait qu’il devra probablement composer toute sa vie avec son trouble de schizophrénie. Grâce à son entourage et son approche, il arrive tout de même à se sentir heureux. Une lueur d’optimisme l’illumine lorsqu’il est questionné sur son avenir: «J’aimerais finir mon secondaire, apprendre à conduire ou bien….rencontrer quelqu’un»!
Léonie Jalbert, de son côté, se réjouit d’assister à l’évolution de Mario-François: «Pour certains la réussite, c’est seulement d’apprivoiser ses difficultés. Mais Mario s’est donné des moyens pour continuer d’aller bien. Il est sensible, intéressé, à l’écoute des gens…je le verrais pair aidant s’il le souhaite, qui sait ce que l’avenir réserve».