Le VIH, une autre épidémie en parallèle
Le délestage de la prévention des infections transmises sexuellement (ITS), dont le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), mène à un dépistage tardif qui permet à l’épidémie de s’étendre.
Chaque année, on enregistre environ 600 cas de VIH, un chiffre plus ou moins stable selon le président de la Clinique l’Actuel, Dr Réjean Thomas.
Cet expert trouve préoccupant le fait que 60 % des gens qui ont reçu un diagnostic en 2020 passaient un test pour la première fois. De plus, 25 % avaient déjà un système immunitaire très affaibli, laissant soupçonner qu’ils sont infectés depuis 3 à 10 ans.
Or, les cliniques de dépistage des ITS ont dû réduire leurs heures d’ouverture ou carrément fermer leurs portes afin que leur personnel et leurs ressources soient dédiés à la COVID-19.
Cela inquiète Dr Thomas puisque la plupart des personnes qui ont une ITS ne présentent aucun symptôme. Pourtant, ces maladies peuvent engendrer des complications importantes, comme de l’infertilité chez les femmes.
« Sans prévention, c’est terrible les conséquences qu’il peut y avoir. Ça fait partie des dommages collatéraux qu’on va vivre dans les prochaines années à cause de la COVID-19 », affirme-t-il.
Explosions des ITS
D’ailleurs, la Clinique l’Actuel, qui reste ouverte, a traité davantage de patients pour des ITS en 2020 que l’année précédente. « Malgré les mois de la pandémie, il y a des mois qu’on a traité particulièrement beaucoup de gonorrhée ou de syphilis », affirme-t-il.
Le médecin explique cette augmentation par le fait que les jeunes ont toujours une vie sexuelle active bien qu’ils ont dû s’isoler. « On a dit aux jeunes qu’ils n’étaient pas à risque pour la COVID-19, qu’ils ne développeraient pas de complications, mentionne-t-il. Beaucoup sont à la maison à ne rien faire, beaucoup sont sur les réseaux sociaux, il y a donc un problème d’isolement. Quand on est dans la vingtaine ou dans la trentaine, la sexualité est quand même très présente, ça fait partie de leur vie. »
Le président de l’Actuel rappelle qu’une personne qui a grandement diminué son activité sexuelle peut retarder le dépistage. Toutefois, d’autres, plus actifs, ont besoin d’être dépistées régulièrement.
« Depuis 10 ans, la gonorrhée a augmenté de 200 % et la syphilis encore plus. » – Dr Réjean Thomas, président de la Clinique l’Actuel
Traitement du VIH
C’est le cas des personnes qui sont traitées pour la prophylaxie préexposition (PrEP), une stratégie de prévention du VIH qui vise à réduire le risque d’infection par le VIH.
Ce traitement préventif peut être administré quotidiennement et en continu aux personnes séronégatives qui ont un risque élevé d’infection.
Selon l’Agence de la santé publique du Canada, lorsque le médicament pour la prophylaxie préexposition est administré comme prescrit, celui-ci réduit le risque d’infection par le VIH lors de rapports sexuels de plus de 90 %.
« Des gens qui sont sur la PrEP, on les dépiste tous les trois mois. C’est très important que ces gens n’aient pas le VIH et qu’ils ne continuent pas de le transmettre », explique Réjean Thomas qui a participé à la recherche sur DESCOVY, un médicament pour la prophylaxie préexposition.
Or, le docteur note une diminution dans le nombre de suivis. « Il y a donc une grande inquiétude à savoir si les gens ont stoppé la prise, précise-t-il. Certains patients nous disent qu’ils ont moins de partenaires, moins de contacts, mais en même temps, on a plus d’ITS. »