George Floyd a détrôné la COVID-19 dans les médias
Après quelques mois de couverture médiatique centrée sur la pandémie, la mort de George Floyd a été la première nouvelle à détrôner la pandémie dans les manchettes, attirant ainsi l’attention du public et de l’État sur un enjeu social qui gruge notre société: le racisme systémique.
Dès la mi-mars, la crise sanitaire a créé une véritable éclipse médiatique au Québec et ailleurs dans le monde. Pendant quelques mois, elle était à l’origine de 80 à 90% des nouvelles, tant à la radio, à la télé que dans les médias écrits et numériques. La pandémie a ainsi été traitée sous une multitude d’angles. Les journalistes ont notamment abordé les conséquences de celle-ci sur l’économie, le milieu des sports et de la culture de même qu’au sein des résidences pour aînés.
Puis, le 25 mai, un Afro-américain de 46 ans du nom de George Floyd meurt à la suite d’une intervention policière à Minneapolis pendant laquelle un policier blanc le maintient au sol avec un genou sur son cou, l’empêchant ainsi de respirer. L’événement, qui a été filmé en direct, a rapidement créé une onde de choc planétaire.
«Son décès, qui a créé des émeutes, c’est le premier sujet qui a fait en sorte que la COVID est tombée deuxième», explique à Métro le président d’Influence Communication, Jean-François Dumas.
La mort de George Floyd est ainsi la nouvelle individuelle la plus médiatisée au Québec dans les deux dernières semaines, 8,99% de toute la couverture médiatique en ayant fait mention. Ce tragique événement détrône ainsi le bilan quotidien des cas et des décès dans la province (7,52%) et la situation toujours précaire dans les CHSLD (3,54%), selon des données fournies par la firme spécialisée dans les couvertures médiatiques.
«Ça aurait même été anormal, et je crois que les citoyens auraient réagi très négativement, si les médias n’avaient pas accordé autant d’attention [à la mort de George Floyd]», avance M. Dumas.
Ainsi, depuis deux semaines, le coronavirus a occupé 59,07% de l’actualité du Québec. Une situation qui est aussi reliée à l’essoufflement progressif du nombre de sujets potentiels que les médias peuvent traiter en lien avec la pandémie, alors que la province avance pas à pas dans son processus de déconfinement.
«Il y a quand même une énorme fatigue après trois mois continue de mono-news, d’éclipse médiatique», constate d’ailleurs le professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM, Patrick White.
Répercussions majeures
Le décès de George Floyd a d’ailleurs eu des répercussions majeures. Dès les jours qui ont suivi, des manifestations parfois violentes ont éclaté aux États-Unis, puis ailleurs dans le monde. Au Québec, des milliers de personnes se sont notamment rassemblées à Montréal, à Québec, à Sherbrooke et à Saguenay. Chaque fois, les manifestants ont dénoncé le racisme systémique et la brutalité policière.
«Ça touche le cœur et l’âme de tous les gens, pas seulement les personnes noires et les minorités, mais toute la population», souligne le professeur émérite du Département de communication de l’Université de Mont- réal, André H. Caron.
«Dans quelques semaines, on risque de parler moins de George Floyd et c’est très dommage.» Patrick White, professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM
Ces mobilisations ont aussi résonné à l’Assemblée nationale et au Parlement, à Ottawa. Le premier ministre du Québec, François Legault, a notamment été talonné à plusieurs reprises sur sa position quant à la présence de racisme systémique au Québec. Après la deuxième manifestation à Montréal contre le racisme en deux semaines, M. Legault a d’ailleurs affirmé vouloir prendre des actions pour lutter contre ce phénomène dans la province.
Des effets à long terme?
La forte couverture médiatique de la mort de George Floyd et des manifestations qui ont suivi pourrait-elle jouer un rôle durable dans la lutte contre le racisme, aux États-Unis comme ailleurs dans le monde?
«Le problème, c’est que les médias font leurs choux gras de grosses nouvelles et puis passent à autre chose. Il y a souvent un manque de suivi rigoureux pour les gros dossiers», indique M. White. Il donne l’exemple de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic, qui a causé la mort de 47 personnes en 2013.
Or, peu de médias parlent encore aujourd’hui du projet de voie contournement dans ce secteur, qui tarde à se concrétiser.
M. Caron rappelle pour sa part la photo crève-cœur du petit syrien Alan Kurdi, retrouvé mort sur une plage de Turquie en 2015. Cette image, très médiatisée, est alors devenue le symbole le plus frappant de la crise migratoire en Europe.