À cause du coronavirus, le Québec est sur pause… et l’hostilité envers les femmes portant le voile semble l’être aussi. Pour plusieurs femmes musulmanes portant le voile, cette pandémie leur permet de vivre une autre réalité. Le coronavirus provoquerait-il des changements dans les rapports sociaux?
Pour Fatima Ahmad, les insultes envers sa personne, et les regards méprisants font partie de son quotidien lorsqu’elle marche dans les rues de Montréal. Elle porte le niqab. Mais depuis le confinement, elle fait face à un nouveau quotidien lorsqu’elle sort de chez elle pour des services essentiels.
Au lieu des insultes, les citadins lui offrent maintenant des sourires et sont plus sereins envers elle, dit-elle. Une réalité qui lui était jusqu’à maintenant inconnue. «Bien entendu, il y a moins de personnes dans les rues, mais je ne reçois plus de commentaires haineux, de regards méprisants ou d’attaques physiques», nous confie-t-elle.
D’après elle, avec le port du masque, le coronavirus a normalisé le visage couvert.
«C’est un peu ironique, car on a souvent dit que les femmes ne devaient pas se couvrir le visage pour des questions de sécurité alors que maintenant les gens se couvrent le visage pour des questions de santé, car c’est plus sécuritaire», dit-elle.
L’étudiante en enseignement croit que la pandémie amène un vent d’unité au Québec. «Je crois qu’on commence à comprendre qu’il n’y a pas de raison de porter de la haine envers les personnes qui se couvrent le visage pour des questions religieuses», opine-t-elle.
Passer inaperçu
De son côté, la médecin résidente de l’Hôpital juif de Montréal Anika Rahman travaille dans le département de la gériatrie. Elle passe ses journées dans une atmosphère anxiogène, dit-elle, avec de plus en plus de patients atteints de la COVID-19. Depuis la pandémie, la médecin remarque aussi une nouvelle attitude envers le port de son voile. Il passe inaperçu.
«Heureusement, surtout pour les travailleurs de la santé, maintenant les gens comprennent que c’est vraiment plus important ce qu’on a dans la tête que ce qu’on porte sur la tête», Anika Rahman, médecin résidente à l’Hôpital juif de Montréal.
D’après la directrice de l’organisme Justice Femme, Hanadi Saad, les sentiments d’Anika Rahman et Fatima Ahmad ne sont pas isolés. Plusieurs femmes qui portent le voile lui disent aussi qu’elles vivent des expériences plus positives.
«Les femmes me rapportent qu’on leur dit bonjour, qu’on est plus souriant envers elles. C’est quelque chose qu’on n’entendait pas avant la crise du coronavirus», affirme-t-elle.
Changement de priorités
Dre Rahman pense que la pandémie a changé les priorités de la population au Québec. «J’ai l’impression qu’il y a plus d’empathie et que les gens ont une inquiétude plus importante qui les guette et que, finalement, ce n’est pas si important ce qu’on porte», avance-t-elle.
Étant donné que le personnel médical doit maintenant être plus couvert pour se protéger, la médecin résidente avoue se sentir moins isolée depuis la pandémie. Elle est très reconnaissante face au soutien de la population envers les travailleurs de la santé.
«On se rend compte qu’en fin de compte, la race, la religion, la couleur, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est qu’on est présent pour aider la population.»