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Philippe Couillard: «Plus de pouvoirs à Montréal»

Plus que jamais, le navire libéral de Philippe Couillard est en danger. À deux semaines du vote, le gouvernement sortant est encore derrière la Coalition avenir Québec (CAQ) dans les intentions de vote, d’après les derniers sondages. Le principal intéressé entend renverser la tendance par «une campagne de faits» sur l’immigration, la mobilité, la langue et la lutte contre l’itinérance. «La campagne se déroule selon le plan qu’on s’était fixé, à coups d’une proposition par jour pour rejoindre tous les Québécois», a lancé le 36e premier ministre du Québec et chef du Parti libéral du Québec (PLQ). Premier d’une série de rencontres avec les leaders des principaux partis, dans Métro cette semaine.

À Montréal, comment entendez-vous doser les seuils d’immigration? Ceux-ci sont-ils essentiels pour contrer les problèmes de pénurie de main-d’œuvre, selon vous?
On n’a pas besoin de hausser les taux d’immigration pour l’instant à Montréal, c’est ça la réalité. Il faut les garder au niveau actuel puisqu’il y en a juste assez, compte tenu des moyens qu’on a pour favoriser l’intégration. Le jour où on aura déployé de nouveaux outils sur le terrain qui fonctionnent bien, la francisation en entreprise par exemple, on pourra écouter les recommandations, comme celles de la Chambre de commerces, qui suggère une hausse. On pense que ça ne serait pas correct de le faire sans avoir bien assis ces mécanismes. Pour l’instant, on reste au statu quo.

Ce que dit la CAQ, comme quoi les travailleurs immigrants sont des chômeurs, est un argument faux et antiéconomique. C’est le contraire : les taux de chômage chez les nouveaux arrivants sont en chute. Sans eux, on serait bien mal pris, car 50 % des emplois créés depuis 2006 sont occupés par des immigrants. Un portrait des besoins dressé par les municipalités et un [jumelage] en fonction de ces opportunités, c’est ça la bonne façon d’ajuster les seuils et de les exporter en régions aussi.

Vous dites être prêt «à aller jusqu’en Cour suprême» pour défendre la loi 62 sur la neutralité religieuse. Vu les critiques, pourquoi ne pas vouloir la réformer?
Au PLQ, on croit que c’est raisonnable de poser cette limite-là puisqu’il n’y a aucun droit qui est sans limite dans une société démocratique. C’est justifié, je pense, de mettre des balises à certains droits, dans l’intérêt général. Les tribunaux en décideront, mais on va pousser la démarche jusqu’au bout.

Sur la révision, on est toujours ouverts à discuter avec tous les Québécois de toutes origines. Mais je pense qu’on a des arguments sérieux. On n’empêche personne de s’habiller comme ils le souhaitent dans l’espace public, y compris de porter le voile. Ce n’est pas une infraction. On limite ça aux services publics, et je pense que c’est déjà très raisonnable.

Sur le dossier de la ligne rose et du REM [Réseau express métropolitain], à quoi peut-on s’attendre dans un second mandat libéral? Entendez-vous concrétiser ces deux projets, et si oui, investir pour diminuer les impacts sur les usagers?
Sur la ligne rose, on peut s’attendre à une entière collaboration de mon gouvernement. Les municipalités seront maîtres d‘œuvre, elles connaissent les enjeux de proximité. Si Mme Plante en fait un projet d’intérêt régional – parce que pour la question de la congestion de la couronne nord, ça peut également jouer un rôle important – on va être heureux de la soutenir. Je ne peux pas vous dire, par contre, combien ça coûtera, car je ne sais pas encore ce qu’est le projet détaillé et quelles seront les options. Chose certaine, si c’est raisonnable, on va soutenir ce projet-là.

Je vous assure que j’ai énormément confiance en le REM ; il est cité en exemple partout dans le monde.

«Utiliser un partenaire public, qui est un fonds de pension public, pour financer des travaux en infrastructure, c’est innovant puisqu’il n’y a pas assez de capital pour faire tous les projets sans surendetter les États.» -Philippe Couillard

On sait que les tarifs vont être les mêmes dans le métro, l’autobus ou le REM. Maintenant, c’est certain qu’il y a des impacts. C’est un sacrifice pour un gain considérable en matière de mobilité, d’efficience et d’environnement. Et je suis certain que les citoyens veulent également ça pour leur avenir.» [NDLR : Le Parti libéral étudiera la possibilité d’autoriser une extension de la partie nord du REM vers Mirabel.]

Est-ce une volonté libérale cette année que de se rapprocher des anglophones à Montréal? Où vous situez-vous entre défense ardente du français et tolérance totale de l’anglais?
On veut surtout que les Québécois, qu’ils soient anglophones ou francophones, soient égaux. Le français est la langue officielle depuis la loi 101, mais l’anglais n’est pas une langue étrangère au Québec. Les Québécois de langue anglaise ont bâti le Québec eux aussi, et ils ont des droits.

Notre secrétariat pour les relations avec les Québécois de langue anglaise, doté d’un budget de 25M$, poursuit des initiatives concrètes, comme donner accès aux emplois de la fonction publique, favoriser l’apprentissage du français, intervenir en région avec les groupes communautaires. Et ça, je crois que c’est très bien accueilli. On est le seul parti au cours des dernières années qui a renforcé la loi 101 avec les dispositions sur l’affichage. C’est assez ironique d’ailleurs que ce soit nous. On a donné plus de pouvoir à Montréal, notamment quand Martin Coiteux a annoncé 96,7M$ pour les logements sociaux avec la Loi sur la métropole.

À quelle hauteur un gouvernement libéral va-t-il redistribuer les bénéfices du cannabis aux municipalités, avec la légalisation prévue le 17 octobre prochain?
On a déjà conclu une première entente avec l’Union des municipalités du Québec (UMQ) là-dessus. Si sa mémoire est bonne, on prévoit une somme de 20M$ dans une enveloppe déjà réservée au financement des municipalités et MRC. Pour la suite, on va regarder avec elles l’évolution des besoins. Il faudra prouver les besoins pour demander des sommes supplémentaires, mais on demeure conscients que les administrations municipales auront des coûts substantiels à affronter, et on va les aider là-dedans.

Moi, je n’avais pas ça sur mon programme électoral. M. Trudeau l’avait, il l’a fait, et c’est normal, mais il faut réaliser que c’est les provinces qui avons le plus gros du fardeau administratif dans la chose. Je pense que la loi de Lucie Charlebois est raisonnable, applicable et surtout, elle milite dans la direction de la santé publique.

En fin d’entretien, Métro a posé huit questions en rafale à Philippe Couillard. Voici ses réponses complètes.

Un livre qui vous inspire?
Si j’avais à dire précisément, ce serait la biographie de Georges Clémenceau. Mais je lis tous le temps, et le livre qui m’inspire, c’est celui que je lis dans le moment présent.

Un spectacle d’un artiste québécois que vous avez vu cette année?
Je suis allé voir une pièce de Michel Tremblay à Québec, et j’ai beaucoup aimé. J’ai lu également Un ange cornu avec des ailes de taule, du même auteur.

Pour quel organisme de charité avez-vous fait votre dernier don?
Je fais des dons Centraide très régulièrement. Et j’ai participé pas mal activement dans mon coin à l’accueil des réfugiés, je pense que c’est très concret. Je suis très heureux de l’avoir fait.

Qu’est-ce qui ne va pas avec le Canadien de Montréal?
Apparemment c’était [Max] Pacioretty, et ils l’ont échangé, donc tant mieux. Je pense que ça prend une reconstruction profonde. Faisons-leur confiance, espérons qu’ils vont remettre des rondelles dans le filet.

Quelle demande de l’administration de Valérie Plante êtes-vous prêt à accueillir positivement?
Je mets beaucoup d’importance sur la mobilité à Montréal. Toutes les propositions là-dessus vont avoir mon regard attentif, notamment la ligne rose, à laquelle je tiens beaucoup.

Votre plaque d’immatriculation personnalisée?
Je n’en ai pas et je n’en veux pas [rires].

Que faites-vous le 17 octobre (jour de la légalisation du cannabis)? :
Je vais observer ça attentivement, mais avec confiance. Je pense qu’on va réussir ça, que les Québécois ont assez de maturité. L’objectif principal, au fond, est de retirer au marché noir ce commerce-là. Les jeunes en consomment déjà, du cannabis, donc il faut opérer le transfert, et je suis très optimiste. Dans six mois, un an, on pourra en jauger les impacts.

Avec lequel de vos adversaires seriez-vous prêt à aller prendre une bière?
[Hésitations] Jean-François Lisée, tiens!

 

Nos entrevues avec les leaders des principaux partis:

François Legault: «Si on veut que le Québec aille bien, il faut que Montréal aille bien»

Jean-François Lisée: «Le REM, c’est le Mirabel de 2018»

Manon Massé: «On sait de quoi on parle»

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