Méga dose d’amour pour Karl Tremblay et Les Cowboys Fringants
Ils étaient des dizaines de milliers de spectateurs. Probablement plus que jamais pour une soirée mettant en vedette des artistes québécois au Festival d’été de Québec. Sur le coup de 21h45, les musiciens sont montés sur scène sous les applaudissements de la foule. Violon en main, Marie-Annick Lépine a joué les premières notes de la soirée. Puis, Karl Tremblay a rejoint ses collègues et les décibels en provenance du public ont immédiatement monté d’un cran.
Touché par la vague d’amour, le chanteur des Cowboys Fringants était visiblement ému. En s’essuyant les yeux avec sa cravate, il a amorcé Ici bas. «Malgré la mort, celle qui frappe et qui nous fait pleurer. Ou bien celle qui un jour, tôt ou tard, nous fauch’ra. Je m’accroche les pieds». Il fallait être un robot pour ne pas vivre d’émotions en l’écoutant chanter entre deux traitements contre le cancer de la prostate.
Il fallait aussi être fait fort pour ne pas verser une larme ou deux lorsqu’il a refusé de «prendre un break» comme lui a proposé Jean-François Pauzé lorsqu’il a mis un genou au sol après Ti-Cul. «On va laisser Karl prendre un break. Cinq minutes. Vous allez chanter avec le band», avait lancé Pauzé à l’intention du public pendant que les autres membres du groupe s’enquéraient de l’état de Tremblay. «Non. On va prendre le break plus tard. Je prendrais une chaise», a-t-il répliqué en demandant aux festivaliers de l’accompagner pour Sur mon épaule. Ceux-ci ont alors allumé les lumières de leurs cellulaires et répondu à l’appel au cours d’un moment qu’il fallait vivre pour en comprendre la teneur émotionnelle.
Laissant ensuite Pauzé interpréter un extrait du Temps Perdu, il a repris sa place au centre de la scène pour L’Amérique Pleure, un autre moment fort du spectacle comme l’avait été La Manifestation interprétée plus tôt. «Ça fait plus que 25 ans qu’on fait ce beau métier-là. Merci d’être encore là après toutes ces années! Le bonhomme commence à être magané un peu, mais ce n’est pas grave, on va passer à travers», a-t-il laissé tomber avant d’entamer le plus récent succès du groupe.
Véritable fou du roi, le bassiste Jérôme Dupras s’est aussi particulièrement démarqué tout au long de la soirée. Que ce soit en faisant des grimaces, en allant faire du bodysurfing dans la foule après avoir retiré sa chemise, ou en allant recruter des spectateurs pour former une chorale sur scène pendant Tant qu’on aura de l’amour, sa présence a ajouté une touche d’humour bien nécessaire.
Au rappel, le groupe a invité l’auteure-compositrice-interprète Sara Dufour qui avait ouvert la soirée à venir chanter Marine marchande. Puis les Plaines se sont de nouveau illuminées pour Les étoiles filantes, une autre chanson dont les paroles ont pris un tout autre sens dans le contexte de la maladie de Karl. Ce devait être le dernier titre de la soirée, mais Karl voulait en faire «une de plus» et a proposé Un p’tit tour à la foule.
Robert Charlebois en grande forme
Visiblement moins nerveux et moins pressé par le temps que jeudi soir où on lui avait demandé de couper dans son programme avant et même pendant celui-ci, Robert Charlebois était en grande forme lundi. Présentant la version complète de son spectacle Robert en CharleboisScope, il est arrivé sur scène après la diffusion d’extraits d’entrevues qu’il avait accordées en début de carrière où il mentionne entre autres qu’il a grandi «en campagne»… à Ahuntsic à Montréal.
Tout comme jeudi, il a débuté avec Le manque de confiance en soi, cette fois, heureusement, ses paroles ne furent pas aussi prémonitoires. «On a manqué notre coup jeudi, mais on ne le manquera pas à soir! c’est promis!», a juré la légende de 79 ans dès la fin de cette dernière. Après Dolores, les spectateurs ont eu l’occasion de hurler «Québec» pendant Les Ailes d’un Ange.
Entr’ deux joints, Musique de chambre et Tout écartillé ont ensuite suivi. Puis, en présentant Mon Pays, il a testé la foule avec un sourire en coin. «Mon pays ce n’est pas un pays…», et celle-ci lui a répondu «C’est l’hiver». Or, le Mon Pays de Charlebois, c’est un job! «Ben non! Est-ce que je ressemble tant que ça à Gilles Vigneault?», s’est-il amusé en pardonnant aux spectateurs en première ligne, «trop jeune» pour avoir vu le mythique concert J’ai vu le loup, le renard, le lion sur les plaines en août 1974.
Son amie depuis 60 ans, Louise Forestier est aussi revenue faire son apparition surprise un peu moins surprise pour California et Lindberg. Et comme les festivaliers avaient droit à la version complète du spectacle qui était prévu pour avoir lieu la semaine dernière, son mandat s’est prolongé quelques minutes plus tard pour conclure J’taime comme un fou et chanter La fin du monde.
L’énergie de Sara Dufour
La reprise intégrale de la soirée de jeudi soir a aussi permis à l’auteure-compositrice-interprète native de Dolbeau-Mistassini Sara Dufour de fouler la scène des Plaines comme elle aurait dû le faire initialement. Dans l’espoir de permettre aux Cowboys Fringants de jouer avant l’arrivée de l’orage, elle avait vu sa prestation être annulée avant même qu’elle commence pour permettre à Robert Charlebois et aux Cowboys Fringants de monter sur scène plus tôt.
Dès son arrivée sur le coup de 19h, les Plaines étaient déjà bien bondées. «Ça pas de bon sens, c’est de toute beauté! Quel honneur, quel et quel plaisir d’ouvrir pour cette soirée historique!», a-t-elle rapidement lancé en jetant un premier coup d’œil au parterre. Enchaînant ses énergiques chansons dont Baseball, Semi-Route Semi-Trail, Chic-Choc et Chez nous c’est Ski-Doo, la chanteuse de 39 ans était visiblement reconnaissante de vivre ce «grand moment» en ayant une pensée pour sa défunte mère.
«Il y a 20 ans, je venais voir mon premier spectacle sur les Plaines. C’était le 23 juin 2003, le show c’était Les Cowboys Fringants! J’étais loin de me douter que 20 ans plus tard, je serais sur la scène avec eux dans une soirée où le festival allait avoir été prolongé pour une soirée historique!», a-t-elle ajouté quelques minutes plus tard en remerciant tous ceux qui ont pu rendre possible la tenue de ce moment «qui va passer l’histoire».