Élection d’Olivia Chow à Toronto, Plante à Montréal: «les femmes arrivent»
Un règne conservateur d’une dizaine d’années s’est terminé à Toronto avec l’élection d’Olivia Chow comme nouvelle mairesse de la capitale ontarienne. L’ex-députée fédérale du Nouveau Parti démocratique (NDP) entre officiellement en poste ce mercredi. Toronto et Montréal, les deux métropoles les plus populeuses du Canada, sont maintenant dirigées par des femmes aux tendances progressistes. Quel impact aura ce virage sur l’échiquier politique?
«On s’en va vers des métropoles qui seront beaucoup plus sociales et environnementales que les provinces peuvent l’être», prédit d’emblée la professeur associée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG-UQAM Danielle Pilette.
Sa candidature ayant été soutenue par plusieurs syndicats ontariens, la nouvelle mairesse de Toronto a fait campagne sur l’amélioration de l’offre en logement abordable ainsi que celle du transport en commun dans la ville reine. Des orientations qui font certainement écho à celles de son homologue montréalaise, Valérie Plante.
«Elles vont montrer de nouvelles priorités aux autres métropoles canadiennes, croit Danielle Pilette. Ensemble, Montréal et Toronto pourront montrer un modèle où ces villes assument pleinement des compétences en matière de logements et en matière d’environnement en plus de poser de nouveaux défis aux gouvernements provinciaux. Un modèle dans lequel les métropoles ne sont pas uniquement à la remorque du marché immobilier et uniquement un fournisseur de services.»
Et les effets de ce virage plus progressiste dans ces deux territoires métropolitains pourraient véritablement ruisseler vers d’autres municipalités canadiennes, poursuit Mme Pilette. «À Calgary, on est en train de transformer des immeubles à bureaux en immeuble à logements. À Montréal et à Toronto, ça va certainement se faire aussi, mais en accentuant la part du logement social et abordable», cite la professeure en exemple.
Ce rayonnement pancanadien d’enjeux sociaux et environnementaux en phase avec ceux mis de l’avant par le Parti libéral minoritaire de Justin Trudeau pourrait peut-être aider la formation politique fédérale, selon elle, ayant perdu des plumes lors de la dernière élection de 2021.
En délogeant les conservateurs de la mairie de Toronto, Mme Chow montre que le parti était usé. Elle devient aussi la voix métropolitaine du compromis entre les conservateurs de Doug Ford et des libéraux de Trudeau. Un vase communicant politique va se créer entre Chow et le premier ministre canadien.
Danielle Pilette, professeur associée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG-UQAM
Davantage de pression risque de tomber particulièrement sur les épaules des gouvernements provinciaux qui devront adapter leurs programmes d’appui et d’aide financière aux réalités métropolitaines de Montréal et Toronto, croit aussi Mme Pilette. «Les programmes provinciaux de l’Ontario et du Québec sont créés beaucoup en fonction des régions (amener de la population et de la main-d’œuvre en région, l’exploitation des ressources naturelles, etc.)», précise-t-elle.
L’illustration de la démocratisation politique
L’élection de femmes à la tête des plus grandes villes au Canada laisse croire à un «changement majeur» dans la politique municipale, d’après l’experte.
«Les femmes arrivent en politique municipale, et elles arrivent souvent par le mouvement communautaire, des syndicats, du secteur des services à la population, explique-t-elle. Bref, elles proviennent de la base de la société comme on a pu le voir précédemment avec Valérie Plante et maintenant Olivia Chow. Historiquement, les élus provenaient souvent de l’élite».
Originaire de Hong Kong, Olivia Chow est arrivée à Toronto à l’âge de treize ans. C’est dans la ville reine qu’elle a anciennement occupé les fonctions de conseillère municipale, le rôle de protectrice de l’enfant pour améliorer le bien-être des jeunes Torontois et celui de députée fédérale pour le NPD.
Avant qu’elle ne remporte les élections du 26 juin dernier, la mairie de Toronto était occupée par John Tory. Celui-ci a fait carrière dans la métropole notamment à titre avocat et président-directeur général de Rogers, soit l’un des plus importants câblodistributeurs du pays.
«On voit une démocratisation très forte de la politique, souligne Danielle Pilette. Les politiciens sont représentatifs de leurs milieux.» Et la victoire de Mme Chow à titre de première mairesse sino-canadienne à Toronto offre d’autant plus une autre perspective à cette tendance. «L’élection d’Olivia Chow est l’illustration qu’il est possible pour une personne issue de l’immigration de se faire entendre au niveau politique», ajoute Danielle Pilette.
La nouvelle mairesse torontoise n’avait pas répondu à la demande d’entrevue de Métro au moment d’écrire ces lignes. Son homologue montréalaise, Valérie Plante, n’a pas voulu émettre de commentaires, nous référant plutôt à ce gazouillis.