Felp: avec l’aide de ses ami.e.s
Felp, c’est le saxophoniste et multi-instrumentiste Félix Petit, réalisateur et concepteur rythmique aussi prisé que prolifique qui a apposé sa touche à une foule d’albums marquants du renouveau de la chanson québécoise. Les Louanges, Safia Nolin, Hubert Lenoir, Laurence-Anne, Klô Pelgag, Robert Robert et Barry Paquin Roberge comptent parmi les artistes avec qui il a travaillé main dans la main.
Entre ses nombreux projets, le Rose-Patrien fait paraître sous son pseudonyme solo, Felp, son premier album long. Dense et résolument expérimental, Help allie audacieusement électro, jazz, hip-hop et R’n’B, genres coexistant au sein d’ambiances smooth, amorties, serties d’envolées de saxophone, tantôt frontales, tantôt évanescentes.
Un projet solo en fait pas si solo.
« J’initie le processus, mais c’est à nous tous », dit Félix Petit de sa voix paisible en entrevue avec Métro, à laquelle s’est conviée une fine pluie devant le café Ferlucci, dans Villeray.
Créer entre ami.e.s
Ce « nous », ce sont Hubert Lenoir, Laurence-Anne, Klô Pelgag, Greg Beaudin, Hawa B, Em Pompa et Miqi O, la constellation d’artistes qui portent de concert avec Félix les chansons de Help, paru sous Bonsound, lui prêtant leurs voix et leurs plumes.
Tant d’ami.e.s avec qui il adore partager du temps et collaborer — « mais ce n’est pas exhaustif, ce ne sont pas les seuls avec qui j’adore travailler », badine doucement le réalisateur de La nuit est une panthère des Louanges.
Fort de leur apport et invitant d’autres musicien.ne.s au processus, le prolifique compositeur, qui a quitté sa France natale à 18 ans afin d’étudier l’interprétation jazz à Montréal, a donné vie à des pièces aux structures étonnantes, hors normes, fusionnant les genres.
Help a pris du temps à voir le jour, Félix Petit étant amplement occupé à composer des bandes originales de séries et de films (Fourchette, Jeune Juliette), à réaliser ou coréaliser des albums et à accompagner ses pairs sur scène (sillonnant notamment le monde avec Hubert Lenoir et Les Louanges).
Il façonnait cet opus depuis longtemps, à coups « de petits moments ici et là », n’y touchant parfois pas pendant quelques mois.
Souvent, les chansons partaient « d’un thème, de paroles », relate Félix. Ça pouvait être le babyfoot, passion qu’il partage avec Klô Pelgag, qui y a consacré un texte à saveur féministe — « Je ne joue jamais contre les filles/Elles sont trop faciles à briser/Oh mais quel enculé ». Ou pourquoi pas la Préhistoire, comme dans le cas de Dino, signée Laurence-Anne, qu’il a aussi déjà accompagnée sur scène et dont il a coréalisé le plus récent album, Musivision.
Cette aide à la création, cet appel à la collaboration, c’est ce qui a inspiré le titre de l’opus. Pourvu « de petites idées originales, d’une musique, d’un morceau », Félix approchait des complices, leur proposant d’écrire sur des sujets les animant.
« Allô Laurence, j’aimerais bien parler de dinosaures. Qu’est-ce que t’en penses? », illustre le créateur des mini-albums autoproduits Étendu jouer (2015) et Chocolop (2017).
Autre preuve de l’importance qu’il leur accorde, il lui était primordial que le projet, aussi expérimental soit-il, se mette au service de leurs voix. Il a ainsi travaillé à contre-courant de son processus habituel, se basant sur les voix enregistrées, tel un matériau premier, qu’il a ensuite revêtues de textures.
Album de studio assumé
Bien qu’il adore « faire du Felp », Félix Petit ne s’en cache pas : Help n’est pas conçu pour la scène et la tournée.
« Je ne le vois pas du tout comme ça. Quand tu invites plein de gens, ce n’est pas comme des featuring; on fait une chanson ensemble, c’est eux qui chantent. Ça devient leurs chansons à eux aussi. Je me vois mal les jouer sans eux, mettre ça dans une machine. On partage le truc. »
Il envisagerait de faire de temps en temps quelques chansons de Help avec les artistes concerné.e.s, sans caresser toutefois de désir scénique de plus grande envergure.
Reste que les mélomanes ayant adopté sa nouvelle offrande hétéroclite pourront l’entendre intégralement au Festival international de jazz de Montréal le 7 juillet, où la horde d’ami.e.s de Felp sur Help lui prêteront main-forte sur scène. « On va faire un truc un peu unique, avec tout le monde. Ça va être fou. »
Artiste polyvalent comblé
Si l’enregistrement studio le comble, c’est tout aussi le cas de son rôle d’accompagnateur, lui qui respecte infiniment les auteur.trice.s-compositeur.trice.s-interprètes avec qui il fait des tournées.
« Parce que porter ça sur leurs épaules, je trouve ça fort. Je ne peux pas faire ça », dit Felp avec sérénité.
« C’est tellement satisfaisant de prendre toutes les idées dans leur tête, dans leur ordi, dans leur cahier, de mettre ça dans un autre ordi, de passer ça à quelqu’un d’autre, poursuit-il au sujet de la réalisation. C’est satisfaisant de donner vie à ces trucs-là. »
Aujourd’hui, il se réjouit que sa carrière — qu’il n’aurait pu imaginer aussi florissante il y a cinq ans — lui permette « de faire plusieurs musiques différentes, de faire beaucoup de choses en même temps ». Une effervescence que le natif de Besançon chérit depuis l’enfance, alors que se succédaient déjà harmonie de quartier, orchestre au Conservatoire et groupe de musique… le tout entrecoupé de sport!
De belles surprises, comme celles qui ont déferlé dans sa vie ces dernières années, il s’en souhaite encore. « Tout ce que je souhaite un peu sérieusement arrive. Tout ce que je fais cette année, j’adore. Je veux continuer à me sentir bien comme ça, à ma place, à aider des gens et me questionner sur ce que je fais moi-même. »
Félix Petit jouera aux côtés des Louanges le 16 juin aux Francos.