Dédé à travers les yeux de son ex-Coloc
Un quart de siècle après sa sortie, l’album Dehors novembre des Colocs reprend vie sous la forme d’un intimiste spectacle théâtral éponyme, fusionnant narration et ambiances musicales. André Vanderbiest, le bassiste du groupe que l’on connaît aussi sous le nom André «Dédé» Vander, narrera la genèse de ce chef-d’œuvre telle qu’il s’en souvient et racontera le Dédé Fortin qu’il a chéri, avant que le parolier tourmenté se donne la mort.
Celui qui a été des Colocs de 1996 à 2000 convie les spectateur.rice.s dans un espace feutré et propice aux confidences, fait d’un décor composé sobrement d’instruments de musique — batterie, guitares, basse… — côtoyant petit lit, table de chevet de fortune, lampe tamisée, vieux coffre, coupe de rouge et bougie, tant d’éléments qui ravivent l’époque du Répondeur.
Cette période phare de la vie de Vander comme des Colocs, c’est celle où Dédé Fortin, après avoir quitté son loft à l’angle du boulevard Saint-Laurent et de la rue Sherbrooke, a fait d’un chalet à Saint-Étienne-de-Bolton son quartier général. De mars 1997 à mars 1998, Vander a été aux premières loges de la création de Dehors novembre.
Dans l’intimité de Dédé
Sans logis à l’époque, Vander a passé beaucoup de temps seul avec Dédé dans leur repaire créatif des Cantons-de-l’Est, où allaient et venaient leurs amis et compères musiciens, raconte-t-il en entrevue avec Métro à la Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal.
Le créateur, qui cosigne la mise en scène de Dehors novembre avec Marilyn Bastien, y répète le spectacle documentaire en compagnie du comédien et complice Hubert Proulx, qui, sans personnifier une émule de Dédé Fortin, véhiculera les émotions du regretté artiste.
Imaginez les amis Vander et Dédé jasant à table après le souper, les conversations oscillant entre légèreté et profondeur. Ce sont de tels instants uniques, immortalisés en lui à jamais, que fera partager Vander, un accès inouï pour quiconque s’intéresse aux Colocs ou au processus de création d’un album.
Le répondeur, ç’a été fait un soir à 11 h avec un micro sur la table de la cuisine. Dédé a chanté sa chanson, et ç’a donné un truc qu’on n’a jamais pu refaire. La version de l’album, c’est celle qu’on a enregistrée sur la table de la cuisine.
André « Dédé » Vander, ex-bassiste des Colocs
« Dehors novembre, je suis couché, sur mon grand lit », chantait Dédé Fortin sur la lancinante pièce-titre. « Il l’a réellement enregistrée couché dans son lit, se remémore Vander. En mettant Hubert dans cette situation, ça crée quelque chose de théâtral. On est dans l’essence de ce que chante le gars. »
Vander relatera donc cette période marquante de sa vie de son point de vue, et par le fait même, sa relation bien personnelle avec le leader des Colocs, anecdotes et autres souvenirs touchants se succédant au fil des chansons du disque. « Il y a une espèce de suite logique entre ce que je raconte et la chanson qui s’en vient », explique-t-il.
Les textes au premier plan
« L’idée, c’est de mettre les textes de Dédé de l’avant », résume Vander. C’est pourquoi il a fait appel à un comédien pour incarner les émotions que vivait Dédé, Hubert venant enrichir la lecture des paroles (tantôt récitées, tantôt chantées) en leur conférant une dimension théâtrale.
« C’est le show de Vander; c’est lui, le narrateur. Moi, je suis au service des textes, des idées », affirme le comédien, pour qui travailler sur ce spectacle constitue un honneur, lui qui, ado, avait adopté Les Colocs grâce à Dehors novembre.
Se réappropriant les chansons de l’album sur lequel Dédé chantait que la planète n’était pas censée tourner sans lui, le duo rend hommage à la poésie de Dédé ainsi qu’à « sa grande humanité », dit Hubert. « Dehors novembre, pour moi, c’est un album mythique, avec ses chants africains, klezmer. Les textes sont tellement beaux, tellement puissants. Le band était tellement complet : il pouvait être sombre comme festif. »
Que tu aimes ou non Les Colocs, impossible de ne pas être touché en sortant de là! Le spectacle est extrêmement touchant. Dédé l’était. Vander l’est lorsqu’il raconte ses histoires. C’est un spectacle vraiment beau, qui donne de l’espoir. C’est comme un legs.
Hubert Proulx, comédien dans Dehors novembre
« Il n’a pas réussi à faire une répet’ sans pleurer », le taquine Vander. « Ça vient me chercher en tabarna…! », s’exclame Hubert.
Reste que les fans des Colocs profiteront pleinement de ce que le spectacle recèle de souvenirs, fait remarquer Vander, qui a notamment puisé des extraits dans de vieilles bandes son de concerts sur lesquelles on peut entendre Dédé introduire une toune, par exemple. « Entre les morceaux, Dédé pouvait raconter bien des conneries! », s’esclaffe son homonyme d’origine belge établi en Gaspésie.
Plus de 20 ans après la fin tragique de Dédé Fortin, Hubert et Vander connaissent des jeunes qui, aujourd’hui encore, écoutent la musique des Colocs. Des enfants, parents et grands-parents chantant à l’unisson l’hymne Tassez-vous de d’là, Vander en a vu au fil des années. « Il se passe quelque chose sur le plan générationnel; Les Colocs sont devenus Les Colocs de tout le monde. »
Mission caritative
Dix pour cent des recettes de la tournée de Dehors novembre seront versées à la Fondation Dédé Fortin ou à un organisme local œuvrant en prévention du suicide.
Dehors novembre
2 et 3 novembre
Studio Cabaret de l’Espace St-Denis
Dates de la tournée québécoise