Ukraine: le chef du PVQ tient des propos qui dérangent
Neutralité, démilitarisation et «dénazification» de l’Ukraine, reconnaissance de l’annexion de la Crimée et de l’indépendance des régions séparatistes de Donetsk et de Louhansk: les demandes énoncées par la Russie à l’égard de l’Ukraine devraient être acceptées par le gouvernement ukrainien et les pays occidentaux, affirme le chef du Parti vert du Québec (PVQ), Alex Tyrrell. Ces propos tenus sur Facebook et Twitter vendredi en ont fait réagir plus d’un depuis.
«Je demande […] au gouvernement canadien, américain et aux pays membres de l’OTAN de cesser l’envoi d’armes en Ukraine, d’appuyer des négociations sérieuses avec la Russie dès maintenant afin de permettre une désescalade immédiate et pour sauver des vies, estime M. Tyrrell. Les gens de la Crimée, le Donetsk et le Louhansk devraient avoir leurs droits à l’autodétermination.»
La reconnaissance de l’annexion de la Crimée ainsi que des régions de Donetsk et de Louhansk pourrait mettre fin à la «guerre civile» selon lui.
«Je condamne l’invasion russe, les violences sur les deux bords du conflit ainsi que l’échec diplomatique qui a mené à cette guerre. Il faut bâtir un mouvement antiguerre solide à travers le monde afin d’éviter que ce type de situation et d’escalade se reproduise», soutient par ailleurs le chef du PVQ.
Commentaires sur Facebook
Les propos de M. Tyrrell ont généré de l’incompréhension et de la colère chez de nombreux internautes sur le compte Facebook du politicien, qui y a publié plusieurs statuts sur la guerre en plus d’y relayer certains articles portant sur ce sujet.
«J’ai déjà voté vert. Je ne le referai plus si vous êtes encore le chef de cette formation. Démissionnez», a indiqué Luc Papineau samedi, en réaction à la publication dans laquelle M. Tyrrell affirmait que les demandes de la Russie étaient raisonnables et qu’elles devraient être acceptées.
«Je me demande si votre compte a été piraté parce que les affirmations que vous effectuez semblent émaner tout droit de la propagande russe», a écrit en anglais Stephanie Goertz, sous une publication dans laquelle le chef du PVQ critiquait la décision du gouvernement canadien de fournir des lance-grenades et des grenades à l’Ukraine.
Sous une autre publication, dans laquelle M. Tyrrell avait partagé sur son fil d’actualités la nouvelle d’un cessez-le-feu rapportée par le média russe Russia Today, Shaun Hesse a écrit: «J’en reviens pas que tu utilises un article du média de propagande russe Russia Today. Quelqu’un savait que le chef du PVQ était aussi stupide?»
En entrevue avec Métro, M. Tyrrell a déploré recevoir depuis peu des messages haineux dans lesquels des gens vont jusqu’à lui dire de se suicider.
«Il y a de plus en plus de gens qui quittent la politique d’ailleurs pour ça. Je trouve ça décevant que ce soit aussi virulent. C’est un dérapage incroyable», explique-t-il.
Avec ses publications, le chef du PVQ dit chercher à encourager une désescalade du conflit.
«Ce que je trouve dans cet enjeu-là, c’est que du moment que quelqu’un dit qu’on devrait écouter la Russie, qu’on devrait négocier avec, qu’on tente de faire comprendre le point de vue de la Russie, on est tout de suite démonisé. On est attaqué, on est traité d’agent russe», déplore-t-il.
Critiques
Ancien candidat politique pour le PVQ aux élections de 2018, Chad Walcott avait été, en compagnie de six autres membres, évincé du parti par M. Tyrrell il y a un peu plus d’un an.
M. Walcott, qui s’était alors montré critique du leadership de M. Tyrrell, soutient ne pas être surpris des propos publiés récemment par ce dernier sur les réseaux sociaux.
«Il se positionne comme un chef un peu suprême au-dessus des règlements. Qu’il sympathise avec la position de Poutine ne me surprend pas. Mais je trouve ça complètement horrible. Qu’il justifie les crimes de guerre… En étant chef du parti, je pense que c’est complètement inapproprié. Il devrait y avoir des conséquences. Depuis longtemps, il aurait dû démissionner. Surtout après ces propos qui encouragent la guerre et la violation de la souveraineté d’un pays», a-t-il fait valoir en entrevue avec Métro.
Vincent Carbonneau était membre de l’exécutif du PVQ lorsqu’il a démissionné de son poste en décembre 2020 avant d’être lui aussi évincé du parti quelques jours plus tard. Lui aussi dit ne pas être surpris des prises de position de M. Tyrrell sur la guerre en Ukraine.
«C’est très typique du modus operandi d’Alex Tyrrell. C’est une des raisons pourquoi nous, en 2020, on a contesté la chefferie, entre autres à cause de positions prises souvent sans réflexion, sans consultation. Ça vient de M. Tyrrell, il est chez lui devant son ordinateur et il prend position sur un enjeu. Le parti ou les membres n’étaient jamais consultés. La position qui est prise aujourd’hui, selon moi, elle n’est même pas le reflet des gens qui restent encore au Parti vert», avance-t-il.
De son côté, M. Tyrrell affirme que ses récentes prises de position ont été discutées «informellement» au sein du parti.
«Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le pacifisme est une valeur dans l’ADN du Parti vert du Québec. On a toujours été pacifistes dans tous les conflits qui ont éclaté. Donc, c’est logique pour nous de chercher une désescalade le plus rapidement possible. Mes commentaires vont dans ce sens-là», ajoute-t-il.
M. Carbonneau indique être en contact avec des militants au sein du Parti vert du Canada qui condamneraient selon lui «unanimement» les récents propos de M. Tyrrell.
«Si certaines personnes sont d’accord qu’il y a des critiques valides à faire envers l’OTAN, la totalité des personnes à qui j’ai parlé ont fermement condamné ces propos», explique-t-il.
M. Carbonneau soutient par ailleurs que «plusieurs personnes» auraient amorcé un processus afin de porter plainte contre M. Tyrrell en utilisant les mécanismes internes du parti prévus à cet effet.