Pour aider les vaches, faites-vous entendre
CHRONIQUE – Les vaches sont attendrissantes. J’aime leur allure calme, leur regard, leur intelligence, leur pelage contrasté. Avant, j’aimais aussi beaucoup leur lait. Puis un jour, je suis tombée sur une vidéo dans laquelle une vache s’affole et résiste de toutes ses forces à la capture de son veau. Sa détresse était évidente et ses réflexes ressemblaient aux nôtres quand on cherche à protéger un enfant. Le blanc doux et immaculé dans mon bol de céréales dépendait donc de cette séparation forcée et traumatique d’une mère et son petit, inhérente à la production laitière actuelle.
C’est la pratique standard dans cette grosse industrie. À peine quelques heures après sa naissance, le veau est placé dans une stalle individuelle et le lait que produit sa mère est récolté pour nous, les consommateurs, tandis que le nouveau-né est nourri avec une préparation à base de lait en poudre.
Au Canada, il existe un Code de pratiques élaboré par le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage (CNSAE), mis à jour tous les dix ans. La version préliminaire est actuellement en révision et le public peut envoyer ses commentaires jusqu’au 27 janvier 2022. Ça veut dire que des gens comme vous et moi peuvent faire entendre leurs préoccupations et leurs exigences.
D’ailleurs, si ce n’était du travail d’organismes de protection des animaux qui incitent à y participer, ça passerait pratiquement dans le beurre. J’ai appris que la révision était ouverte aux commentaires grâce à la page Instagram de la SPCA de Montréal. J’ai alors échangé avec Me Sophie Gaillard, directrice de la défense des animaux et des affaires juridiques.
«En matière de bien-être animal, la loi au Québec exclut les animaux d’élevage des principales protections en vigueur, pourvu qu’ils soient traités conformément aux pratiques de l’industrie. Ces pratiques sont développées par le CNSAE, principalement composé de joueurs de l’industrie même. Des lois fédérales s’appliquent pour le transport et l’abattage, mais c’est l’industrie qui s’autoréglemente par rapport à ce qu’il se passe sur les fermes. C’est elle qui définit les pratiques acceptables et inacceptables, et c’est elle qui décide des sanctions, si sanction il y a.»
Au sein du comité de ce Code de pratiques, il n’y a d’ailleurs qu’une seule place, sur 19, réservée aux organismes de protection des animaux.
Me Gaillard ajoute que «ce qui serait souhaitable est qu’une réglementation soit développée par le gouvernement et qu’il ait la charge de la mettre en application. Des promesses avaient été faites en 2015, quand la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal a été adoptée. Le ministre de l’Agriculture du précédent gouvernement québécois prévoyait rendre au moins le Code de pratiques obligatoire, mais ce n’est toujours pas fait…» Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que l’Île-du-Prince-Édouard sont allés de l’avant, c’est-à-dire que le Code en question a désormais force de loi. Ce serait totalement à notre portée au Québec.
Il est désormais admis qu’une large partie des Québécois·es se préoccupent des animaux et tiennent à ce qu’ils ne soient pas maltraités. Cette démarche de consultation publique du CNSAE, bien qu’elle s’avère très peu connue, et un tantinet laborieuse, donne l’occasion de montrer, une fois de plus, le souci de la population pour les animaux. C’est en fait la moindre des choses qu’on ait notre mot à dire.
D’un point de vue antispéciste, l’industrie laitière ne passe évidemment pas le test. Mais disons que pour des consommateurs de lait minimalement préoccupés par le bien-être des animaux, des améliorations devraient être exigées.
La SPCA a identifié, entre autres, l’importance pour les vaches d’avoir accès à l’extérieur et de ne plus être attachées en permanence, la mise en place de plans pour secourir les animaux en situation d’urgence, ou encore de ne plus séparer, dès la naissance, le veau et la mère, de même que de ne plus placer les veaux en isolation complète. «À l’échelle nationale, les organismes de protection des animaux s’entendent pour dire que ce sont des enjeux prioritaires et qu’ils sont critiques au niveau du bien-être», précise Me Gaillard.
En attendant que les vaches ne soient plus exploitées, qu’elles puissent se prélasser, socialiser et paître en paix dans les prairies, ça vaut la peine de chercher à améliorer, autant que possible, leurs conditions actuelles.