Enseigner la philo avec des «mèmes»
Et si plutôt que de simplement nous divertir sur les réseaux sociaux, les mèmes pouvaient servir d’outils d’enseignement? C’est le pari qu’ont fait certains professeurs audacieux… et créatifs.
Vincent Duhamel enseigne la philosophie au collège de Maisonneuve. Au plus fort de la pandémie, il s’est mis à créer et à utiliser dans ses présentations virtuelles des mèmes, ces phénomènes Web qui combinent une image, un texte et un brin d’humour noir.
«Normalement en classe, on peut faire des blagues, mais sur Zoom, c’est un peu plus difficile! Les mèmes étaient donc un bon moyen de rendre les cours plus légers dans le cadre de l’enseignement à distance», explique l’enseignant de 38 ans, qui compte bien continuer à les utiliser dans l’avenir.
Ses élèves ont donc pu se familiariser avec des notions aussi complexes que la pensée de Socrate ou de Thomas Hobbes à l’aide de mèmes mettant en vedette Homer Simpson, Barack Obama ou le célèbre Doge, ce ravissant chien shiba un peu naïf.
«Il y a beaucoup de sujets, d’auteurs et de textes dans lesquels les élèves peuvent avoir de la difficulté à se reconnaitre à cause de la distance historique. Ramener la matière à des choses plus connues ou familières à l’aide d’exemples et d’illustrations, comme le mème le fait, c’est très utile», soutient Vincent Duhamel.
«De par leur nature visuelle et punchée, les mèmes sont un excellent moyen d’illustrer simplement une idée compliquée», ajoute-t-il.
Benoit Dumais, professeur de littérature et agent de valorisation du français au cégep de Rivière-du-Loup, les utilise pour signaler les erreurs qu’il voit dans les copies de ses étudiants.
«L’idée c’est de développer un truc mnémotechnique. Lorsque l’étudiant rédige, il pourra se dire : “me semble que j’ai déjà vu une blague là-dessus” et s’y référer», explique le professeur, qui crée des mèmes et les partage sur son populaire compte Instagram (@scribecegeprdl).
Par exemple, il s’attaque aux erreurs communes comme «sa va» ou «si j’aurais» à l’aide de photos de chats loufoques ou de personnages du film Austin Powers.
«Dans ma pratique d’enseignement, la notion de plaisir est très importante. Jouer à la matante qui tape sur les doigts, ce n’est pas mon approche. Avec les mèmes, les étudiants voient un côté ludique et drôle dans l’apprentissage de la langue», souligne l’enseignant.
Rassurez-vous, les mèmes sont encore loin d’avoir remplacé la grammaire ou les recueils de texte. Leur utilisation est avant tout un moyen de rapprocher les élèves de la matière et de les toucher plus directement, croit Benoit Dumais.
«C’est une façon de parler leur langage et de rendre nos enseignements plus accessibles, affirme le professeur de 42 ans. Un des premiers facteurs de la réussite de l’apprentissage, c’est le facteur affectif entre l’enseignant, l’apprenant et la matière. Si les étudiants voient que le prof aime sa matière et s’intéresse aux mêmes choses qu’eux, on a un bon bout de chemin de fait.»