Infirmières: un plan de 1 G$ pour contrer la pénurie au Québec
C’est le début d’une «petite révolution» dans la gestion du système de santé, assure le premier ministre François Legault. Les infirmières travaillant à temps plein qui demeureront dans le réseau ou le réintégreront empocheront des bonis s’échelonnant de 12 000$ à 18 000$ dans le cadre d’un plan de 1 milliard de dollars pour contrer la pénurie.
«Le réseau est presque dysfonctionnel, dit le premier ministre en conférence de presse jeudi. Un problème important, c’est que 40% des infirmières travaillent à temps partiel. Aucune organisation ne pourrait être gérée de façon efficace à temps partiel.» Environ 60% des infirmières travaillent à temps plein au Québec, une proportion que Québec aimerait voir grimper jusqu’à 75%.
Concrètement, les infirmières qui travaillent à temps plein et celles qui accepteront de le faire empocheront un boni de 15 000$. Celles qui ont quitté le domaine de la santé ou qui sont passées au privé recevront 12 000$ lors de leur retour dans le réseau public. Finalement, en Outaouais et en Abitibi, où la compétition avec l’Ontario en matière d’embauche est féroce, un boni de 18 000$ sera offert aux infirmières qui intégreront le réseau à temps plein.
Ces bonis seront les mêmes pour les infirmières auxiliaires, perfusionnistes et inhalothérapeutes.
Les infirmières participantes recevront le tiers de leur boni dès maintenant, et la balance dans un an. Cela les incitera à demeurer dans le réseau minimalement pour un an, estime M. Legault.
Améliorer les conditions
Au delà de primes, des mesures seront prises pour améliorer les conditions de travail du personnel soignant. Parmi les mesures proposées, on retrouve l’embauche de 3000 agents administratifs d’ici le printemps 2022. Ceux-ci viendront libérer les infirmières de la «paperasse», qui représenterait 30% de leur travail.
Les infirmières du réseau public auront un accès prioritaire aux meilleurs horaires devant les agences privées de placement. Le modèle de gestion sera décentralisé, ce qui laissera plus d’autonomie aux équipes locales dans la composition des quarts de travail.
«Je vous le dis, certains bouts seront difficiles, comme on va vers une culture de gestion complètement différente de ce qu’on a connu», a avoué le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.
Dans les prochains mois, une nouvelle convention collective sera adoptée. Les congés offerts aux infirmières seront plus nombreux, et les temps supplémentaires seront grandement réduits, assure la présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel.
Un institut de recherche a été mandaté par Québec pour sonder les infirmières. L’objectif sera d’établir leur niveau de satisfaction au travail par le biais de sondages.
Plan insuffisant
L’annonce de M. Legault ne satisfait toutefois pas l’opposition. Le plan ne touche pas assez aux conditions de travail des infirmières, alors que c’est «réellement ça l’enjeu», a souligné la chef du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade. L’opposition officielle aurait voulu un engagement concernant l’élimination du temps supplémentaire obligatoire (TSO), et par rapport au fait qu’il n’y aurait plus de bris de service dans le réseau de santé.
«C’est à se demander si ce que François Legault propose ne se résume qu’à l’argent», a déploré la députée de Maurice-Richard, Marie Montpetit.
Le député de Rosemont, Vincent Marissal, est resté «sur sa faim» devant le plan présenté. «Les principes sont bons, mais l’application, encore une fois, assez douteuse et repose sur une bonne couche de pensée magique», critique le porte-parole de Québec solidaire en matière de santé, qui aurait aimé qu’un échéancier précis soit établi.
Un plan précis aurait dû être mis en place pour éliminer les TSO et l’utilisation des agences de placement privées, critique-t-il. «Ce qu’on dit surtout, c’est revenez, je vais changer si vous revenez, alors qu’on s’adresse à des infirmières qui ont quitté le réseau», indique-t-il.
Le gouvernement a orchestré une «entreprise de relation publique» pour «sauver les meubles face à une crise qu’il n’a pas vu venir», considère le leader parlementaire du Parti québécois, Joël Arseneau.