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Cours à distance: une catastrophe pour les étudiants du collégial

Une étudiante
Une étudiante. Photo: 123rf

ANALYSE – La firme Léger menait l’automne dernier un sondage auprès de plus de 1200 membres du corps étudiant québécois afin d’en savoir plus sur l’état de leur santé mentale. Premier constat: quatre étudiants sur cinq avaient «un score élevé sur l’échelle de détresse psychologique». Alors que la rentrée scolaire se fait cet automne en présentiel, comment leur situation évoluera-t-elle?

Un texte d’Émilie Delage,de l’Université de Montréal


ANALYSE – La pandémie a forcé les étudiants du collégial à s’adapter tant bien que mal aux cours à distance. Même si la présente rentrée se fait généralement en personne, les séquelles de cette année et demie d’enseignement à distance vont perdurer.

Il est donc pertinent d’évaluer la motivation et la satisfaction des protagonistes les plus affectés par ce changement : les étudiants.

Doctorante en neuropsychologie clinique à l’Université de Montréal, j’ai réalisé avec ma collègue Tania Tremblay, Ph.D. en neuropsychologie et chercheure-enseignante en psychologie au collégial, une étude pilote dans les derniers mois. Le but était d’investiguer les attitudes et les perceptions des étudiants face à leur réalité des cours en ligne. Dr Tremblay a sondé plus de 70 étudiants en sciences humaines, âgés entre 17 et 22 ans, qui ont reçu à la session d’hiver 2021, une formation à la fois en présentiel et à distance.

Au moment de répondre au questionnaire, les étudiants interrogés avaient en moyenne quatre cours à distance de nature synchrone ou asynchrone et deux cours en présentiel pour ce qui était en moyenne leur troisième session de cégep.

Le trois quarts de la journée devant des écrans

La surexposition aux écrans est d’ores et déjà connue pour avoir des conséquences négatives sur la santé physique et mentale.

Or, avec les cours virtuels, le temps devant un écran a explosé. Les étudiants rapportent passer en moyenne près de six heures devant leur écran chaque jour pour assister à leurs cours ou faire leurs travaux. À cela s’ajoute évidemment le temps passé pour se divertir, qui s’élève en moyenne à près de cinq heures par jour.

Il s’agit donc de presque 70% de leur journée qui se passe ligne, considérant que les adolescents devraient dormir environ 8 heures par nuit.

Sédentarité, inattention et hyperactivité

Le temps passé devant les écrans exacerbe la sédentarité des jeunes, qui étaient déjà moins actifs depuis le début de la pandémie. Cette sédentarité est d’ailleurs associée à plusieurs problèmes de santé physique (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension) et psychologique (altération de l’humeur, augmentation de la sensation de la fatigue et de la douleur).

Aussi, l’exposition prolongée est associée à des manifestations d’inattention et d’hyperactivité, à des symptômes dépressifs et anxieux et à une moins bonne efficacité des fonctions cognitives qui sont importantes pour la réussite scolaire, comme la mémoire de travail et les capacités d’organisation.

N’oublions pas les effets néfastes de la lumière bleue, particulièrement sur les yeux (augmentant les risques de myopie), ainsi que sur le sommeil (affectant le nombre d’heures et la qualité de celui-ci) lorsque l’exposition à la lumière bleue se fait en soirée.


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Cela est sans compter que l’exposition prolongée aux écrans est associée à un niveau de bien-être plus faible chez les enfants et les adolescents. Cela est confirmé dans l’étude pilote, dans laquelle une proportion importante (40%) des étudiants affirme avoir vu leur niveau de détresse psychologique augmenter depuis la dernière session.

Une baisse de motivation

Une autre conséquence de l’enseignement en ligne est la baisse de motivation scolaire des étudiants.

La majorité d’entre eux (68%) est moins motivée à assister à leurs cours lorsqu’ils se donnent en ligne plutôt qu’en personne. D’ailleurs, l’étude met en lumière que la motivation des étudiants à poursuivre leur parcours collégial est nettement inférieure si les sessions ultérieures se déroulaient uniquement à distance plutôt qu’en personne.

À la base de la motivation se trouve en effet les besoins de compétence, d’autonomie et d’affiliation sociale, qui sont largement sous-stimulés par le format virtuel. En effet, bien que les étudiants doivent faire preuve de plus d’autonomie à distance, leur sentiment de compétence en écope puisqu’ils ont moins de rétroactions, d’opportunités pour poser leurs questions aux enseignants et de ressources d’aide pédagogique. Leur besoin d’affiliation sociale est également inassouvi, puisqu’ils sont privés d’interactions sociales en chair et en os.

Un manque de concentration

La baisse de motivation peut aussi être expliquée par le nouveau défi cognitif qu’entraîne le mode d’enseignement à distance : rester concentré.

En effet, une grande proportion des étudiants de l’étude (84%) rapporte être moins concentrée durant les cours en ligne. Les étudiants n’ont pas tous un environnement calme et propice à recevoir leur enseignement. Et tous ont accès à plus de distractions. Plus de la moitié des étudiants (54%) rapportent également plus de fatigue et notamment ce qu’on appelle la «fatigue zoom».

Cet épuisement qui est ressenti lors du travail en ligne s’explique par l’adaptation du corps (yeux qui s’ajustent à la lumière bleu intense, position parfois inconfortable, sans chaise ni bureau ergonomiques), le manque de repères sociaux et communicationnels (peu d’indices non verbaux de ses interlocuteurs, délai de réponse parfois dérangeant) ainsi qu’aux distractions dans son environnement personnel.


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Cette fatigue amène la majorité des étudiants (71%) à négliger la prise de note, un comportement essentiel à la consolidation des informations entendues en classe. Et cette consolidation «on the spot» est centrale pour mieux comprendre la matière enseignée.

Quel que soit le mécanisme liant la motivation, la concentration et la fatigue, le résultat sur l’apprentissage est catastrophique. La majorité des étudiants (64%) rapportent en effet moins apprendre lorsque le cours est en ligne plutôt qu’en présentiel. Ils rapportent que les apprentissages sont plus théoriques, et moins axés sur la pratique. Il n’y a pas de manipulation de matériel, de laboratoire, d’échanges de vive voix.

D’ailleurs, ce manque de manipulation réelle de la matière rend l’apprentissage moins efficace. Selon le concept de «cognition incarnée», l’apprentissage n’implique pas seulement la tête, mais aussi le corps et son interaction avec l’environnement. Sans réelles manipulations, on ampute un canal important qui permet d’apprendre!

Les cours en ligne sont moins satisfaisants

En plus des obstacles, les étudiants portent un jugement global plus négatif sur les cours en ligne qu’en présentiel.

Les étudiants ont l’impression que leur éducation en ligne est de moins bonne qualité qu’en présentiel. Ils se disent significativement plus insatisfaits de l’organisation de la matière en ligne et de la clarté des explications données par les enseignants.

Aussi, à distance, les étudiants ne peuvent pas toujours poser leurs questions aux enseignants et obtenir de la rétroaction. Ils sont significativement moins satisfaits des disponibilités des professeurs en ligne comparativement en présentiel, de même que de la qualité des interactions entre eux et les enseignants.

En plus d’insécuriser beaucoup d’étudiants, cela diminue leur performance et leur investissement scolaires.

Plus de tricherie en ligne

La baisse de motivation des étudiants, accompagnée de nouvelles modalités d’évaluations changeantes et précaires, a exacerbé un phénomène déjà redouté dans le monde académique: le plagiat.

Les examens à distance ont, sans grande surprise, occasionné plus de plagiat que les habituels examens en personne. Même si certaines technologies ont été déployées pour limiter la tricherie lors des examens en ligne, notamment la surveillance par caméra, les comparaisons de réponses entre pairs et des versions différentes d’examens, 39% des étudiants de l’étude pilote avouent être plus enclins à tricher dans leurs examens en ligne, comparativement à ceux en présentiel.

Bien que tout plagiat soit répréhensible et habituellement hautement sanctionné par les établissements scolaires, les étudiants font face à des objectifs d’évaluation des cours en ligne souvent modifiés à la hâte par les enseignants. Où parfois, la difficulté est inégale: les examens à livre ouvert peuvent aussi bien être identiques aux examens habituellement faits en classe qui nécessitaient l’apprentissage par cœur, ou bien avoir été complexifiés pour compenser les risques de plagiat.

De plus, certains étudiants qui ont conscience que leurs collègues trichent ont peur d’être pénalisés pour leur honnêteté, car leur cote R pourrait être affectée par une note inférieure au reste de la classe (obtenue honnêtement ou non).

Quelle valeur pour les diplômes virtuels?

Quelle valeur donnée à ces diplômes décernés durant la pandémie, à un moment où les étudiants apprennent moins et trichent plus? Est-ce que les nouveaux diplômés arrivent sur le marché du travail sur le même pied d’égalité que leurs collègues qui ont eu la chance d’obtenir une formation en personne, avec des activités pratiques et des rétroactions?

Les cours ont repris en présence dans la majorité des cégeps. Mais la menace de la quatrième vague demeure et avec elle, la reprise d’une formule mixte, soit des cours à distance et des cours en ligne.

Sachant que les impacts physiques, psychologiques et académiques des cours en ligne sont non-négligeables, il serait pertinent de réfléchir à des solutions qui rendraient les jeunes actifs et impliqués dans leur apprentissage.

Émilie Delage, Doctorante en neuropsychologie, Université de Montréal.

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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