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Vaccins: une hésitation alimentée par des graves erreurs de communication

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La clinique de vaccination contre la COVID-19 au Palais des Congrès. Photo: Josie Desmarais/Métro
Luc Bonneville, Isaac Nahon-Serfaty et Sylvie Grosjean - La Conversation

Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a dit la semaine dernière recommander l’usage des vaccins à ARNm, produits par Pfizer et Moderna, plutôt que ceux d’AstraZeneca ou de Johnson & Johnson, « à moins que la personne ne puisse attendre » et ne se voit offrir que ceux-là.

Cette recommandation a suscité interrogations et critiques d’experts en santé publique. Le premier ministre Justin Trudeau a tenté de rassurer les Canadiens au lendemain de cette déclaration du CCNI : « Tous les vaccins approuvés par Santé Canada sont efficaces et sécuritaires », a-t-il martelé lors d’une conférence de presse mardi.

Le CCNI a répliqué qu’il n’avait jamais dit que le vaccin d’AstraZeneca était à éviter. Cet organisme indépendant regroupe des experts de santé publique ainsi que des infectiologues, immunologues et épidémiologistes. Depuis 1964, il fournit au gouvernement du Canada des recommandations sur l’utilisation des vaccins déjà ou nouvellement approuvés en vue de leur utilisation au Canada.

Des messages contradictoires

Cet exemple est le dernier d’une série de messages contradictoires sur les vaccins émanant tant des santés publiques, des organismes officiels, comme le CCNI, que des nombreux experts régulièrement interviewés par les médias.

Or, depuis des semaines, les autorités canadiennes encouragent les Canadiens à prendre le premier vaccin disponible, puisque les risques des effets secondaires graves en raison de la vaccination sont beaucoup moins élevés que les complications de la Covid-19. Une véritable course contre la montre s’est mise en branle devant la montée des variants du virus. Aux enjeux logistiques de la vaccination se posent des enjeux de communication, bien souvent négligés.

Comme professeurs de communication et santé, nous nous intéressons notamment à la manière dont les organisations de santé sous toutes leurs formes – hôpitaux, services de santé publique, et autres – communiquent sur la santé dans le cadre de campagnes de promotion ou de situations de crise. L’objectif est de mieux comprendre les stratégies de communication mises en œuvre par ces organisations. Ainsi, quand le CCNI s’exprime et se « raconte » dans l’espace public, il devient pour nous un objet d’étude.

Une importante confusion

Tous les vaccins actuellement disponibles ont été approuvés par Santé Canada. Ils sont donc jugés efficaces et sécuritaires. Les cas – très rares – de thromboses liés au vaccin d’AstraZeneca ne doivent pas inquiéter outre mesure. Les avantages du vaccin sont plus élevés que les risques ; voilà ce qui a été répété sur toutes les tribunes.

Plusieurs ont donc été surpris de lire les recommandations du CCNI se disant plus favorables aux vaccins de Pfizer et Moderna. Cette prise de position publique a soulevé la confusion dans la population, qui s’est manifestée par de multiples commentaires sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Certains parmi ceux ayant déjà reçu une première dose d’Astra-Zeneca ont dit le regretter et se sont sentis floués. Elle montrait un écart entre ce que le CCNI affirme (ou recommande) et ce que les autorités gouvernementales disent.

D’autres perçoivent maintenant le vaccin à vecteur viral de Johnson & Johnson comme un vaccin de seconde classe également.

Alimenter l’hésitation

Nous savons aujourd’hui que l’hésitation vaccinale constitue un phénomène sociologique plus important que ce que l’on avait prévu. Le phénomène est particulièrement présent chez le personnel soignant en CHSLD.

Certes, la campagne de vaccination, somme toute, va bien. Près de 43 % de la population a été vaccinée à ce jour. Et selon un sondage Léger réalisé entre le 23 et le 26 avril, 79 % des Québécois avaient l’intention de se faire vacciner.

Mais il y a encore toute une couche de la population qui est hésitante ; ou disons qui ne voit pas l’urgence d’aller se faire vacciner. Le CCNI, avec son message repris dans tous les médias, vient bien malgré lui alimenter cette hésitation. Exactement ce qu’on voulait, en amont, éviter.

Le poids des mots

Jean‑Paul Sartre disait que « les mots sont des pistolets chargés ». Ils peuvent causer beaucoup de torts. La pragmatique du langage nous montre, notamment à la suite du philosophe anglais John Langshaw Austin, que « dire, c’est faire ».

Les paroles que l’on prononce, les mots que l’on utilise, ont un effet sur les gens, c’est-à-dire qu’ils font agir. Avec les mots, on change les perceptions, les opinions, les idées, les attitudes et les comportements, pour le meilleur ou pour le pire. Ils sont de redoutables outils pour convaincre, persuader, ensorceler, faire peur, décourager, faire douter ou rendre sceptique.

Toute énonciation, tout discours, toute prise de parole produisent des effets. Au Département de communication de l’Université d’Ottawa, nous apprenons aux étudiants le pouvoir des mots et celui des médias ainsi que le rôle clé de l’information en période de crise. En prenant la parole et en émettant un discours dans l’espace public, on commet un acte. Cet acte n’est jamais « neutre » et a le potentiel, chaque fois, de résoudre un problème ou de l’aggraver.

L’erreur de communication du CCNI est l’exemple parfait d’une maladresse face au pouvoir des mots. Il y a désormais un consensus sur le fait que nous éviterons une quatrième vague et que nous vaincrons conséquemment cette pandémie grâce à une campagne de vaccination massive et efficace. Communiquer de manière efficace est fondamental dans ce contexte.

Des conséquences graves

Pourquoi avoir diffusé un tel message à ce moment-ci du déroulement de la vaccination de masse ? Pourquoi nous dire qu’il y a, c’est le sous-entendu, deux classes de vaccin : les excellents vaccins, et les moins bons ?

Pour le moment, les déclarations du CCNI ne semblent pas avoir freiné l’engouement général des Canadiens pour la vaccination. Mais les conséquences sur la stratégie de vaccination d’une communication non maîtrisée, improvisée et d’un choix de mots malheureux, ne doivent pas être minimisées : le risque de décourager les personnes qui sont déjà hésitantes demeure encore élevé.

Un autre effet collatéral d’une telle erreur est la perte de confiance envers les organisations telles que le CCNI, une confiance qui pourrait être difficile à reconstruire. Les organisations impliquées dans la gestion de cette pandémie doivent fournir des messages clairs, cohérents et alignés, notamment pour accroître et maintenir la confiance du public.

Communiquer ne signifie pas seulement prendre la parole. C’est agir et faire une différence. En matière de vaccination, il faut une stratégie de communication réfléchie, mesurée et cohérente de la part des autorités. Une communication qui repose sur la transparence, mais qui implique aussi que l’on soigne ses messages.

Luc Bonneville, Professeur titulaire en communication et santé, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa; Isaac Nahon-Serfaty, Associate Professor, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa, and Sylvie Grosjean, , L’Université d’Ottawa/University of Ottawa

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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