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Racisme anti-asiatique: un «momentum» pour briser le silence  

Après les mouvements Black Lives Matter et Native Lives Matter, c’est au tour de la communauté asiatique de vivre un «momentum» pour faire entendre sa frustration et briser le silence trop souvent gardé sur le racisme qu’elle vit. 

En quelques jours seulement, Rebecca Ng est devenue une de ces voix qui s’élèvent contre le racisme anti-asiatique, alors que la jeune femme a été la cible de commentaires racistes et de gestes violents par un homme qu’elle a filmé dans le métro.  

La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux et la discussion autour de cet enjeu s’est ouverte, notamment dans les médias. On a même pu voir Rebecca à la populaire émission Tout le monde en parle.  

Pourtant, à l’origine, Rebecca n’avait même pas l’intention de parler publiquement de l’incident raciste qu’elle a vécu, confie-t-elle à Métro. «Quand j’ai pris le clip, ce n’était pas dans le but de dénoncer. Je voulais juste qu’il arrête», explique-t-elle.  

Ce sont plutôt des amis avec qui elle a partagé la vidéo juste après l’incident qui l’ont publié. «Ce n’était pas moi, c’était eux. Mais j’ai été vraiment choquée de voir la réponse [positive] et ça m’encourage beaucoup»mentionne la jeune femme d’origine chinoise. 

Peu de plaintes 

En effet, si elles sont tout aussi habituées à recevoir des insultes racistes, les personnes provenant de certaines communautés asiatiques sont beaucoup moins portées à dénoncer que celles d’autres communautés, explique une autre victime, CharleCong Xu, originaire de Wuhan.  

«Si tu demandes à n’importe quel Asiatique s’il a été victime de racisme dans la dernière année, 100% des personnes vont répondre oui. Mais si tu leur demandes combien sont passés à l’action par rapport à ça, probablement très peu d’entre eux vont te dire que oui», illustre-t-il. 

Depuis 2016, le Module des incidents et des crimes haineux (MICH) du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) est chargé de répertorier et d’analyser les incidents et les crimes à caractère haineux sur le territoire montréalais. 

«La communauté asiatique est reconnue comme étant assez réservée. Elle va vouloir régler ses problèmes par elle-même en famille», explique le lieutenant-détective Steeve Abel, superviseur du MICH.  

Une culture «réservée» et «silencieuse» 

En effet, les intervenants consultés par Métro s’entendent pour dire que la culture asiatique est reconnue pour sa réserve et sa résilience.  

«Dans la communauté chinoise, c’est quelque chose qu’on admire chez les gens. Quand on souffre, mais qu’on ne se plaint pas, ça signifie qu’on est forts et qu’on sait se débrouiller», mentionne Rebecca.  

C’est pour ces raisons que le racisme est souvent banalisé au sein même de la communauté asiatique. «Ça n’arrive pas toujours qu’on en discute longtemps parce que c’est normal, indique-t-elle. Mais ça arrive aussi qu’on ne veut pas me croire 

Rebecca estime que les personnes asiatiques, surtout les plus âgées, ne sont pas portées à dénoncer, encore moins à déposer une plainte, lorsqu’elles sont victimes d’actes ou d’incidents racistes. «L’attitude générale, c’est plutôt de se dire ‘ça sert à quoi? On ne va pas m’écouter de toute façon et c’est juste la vie’», raconte-t-elle. 

Des propos qui résonnent avec ceux de Cathy Wong, première élue d’origine chinoise à Montréal, qui est responsable de la lutte au racisme pour l’administration Plante. 

«Lorsqu’on en parle au sein des communautés asiatiques, souvent la réaction qu’on reçoit, et surtout des personnes aînées, c’est de nous dire que ce n’est pas grave, qu’on est mieux de ne pas créer de vague, qu’on est mieux de ne pas dénoncer. ‘L’important, c’est de travailler fort, de garder le silence et de ne pas trop brusquer les autres’», émet-elle. 

Charles aussi dit avoir été élevé dans cette mentalité par des parents immigrants. «Travaillez dur, ne faites pas d’histoires et éventuellement vous y arriverez», résume-t-il.  

Or, selon Cathy Wong, cette résilience ne signifie pas une absence de frustrations et de colère. Mais elle rend plus difficile le fait de faire entendre ces voix.  

«Momentum» 

Aujourd’hui, les immigrants asiatiques de deuxième et troisième génération, et même parfois ceux de la première génération, veulent davantage briser ce silence. 

«Pour les personnes asiatiques qui ont grandi en Occident ou qui sont nées ici, j’ai le sentiment qu’on veut en demander plus. On veut être acceptés et traités comme tous les autres», souligne Charles. 

Il sent qu’il y a présentement un «momentum» comme jamais avant qui fait en sorte qu’on est prêt, en tant que société, à écouter les Asiatiques. «C’est notre tour, tout simplement», affirme aussi Rebecca. 

De son côté, Cathy Wong espère que ce «momentum» ne sera pas éphémère et qu’il permettra d’élargir la discussion sur d’autres enjeux entourant les relations interculturelles. 

Importance de dénoncer 

Par ailleurs, Steeve Abel du MICH souligne l’importance de dénoncer les incidents haineux, comme les insultes, parce que cela permet de prévenir l’escalade vers des crimes haineux. «En dénonçant l’acte, si on est en mesure d’identifier la personne, on va la contacter et on va lui expliquer les conséquences», précise-t-il. 

Ainsi, si la personne identifiée commet un acte criminel par la suite, les policiers auront des preuves d’incidents précédents à fournir au juge.  

C’est tout aussi important d’intervenir dans la mesure du possible lorsqu’on est témoin d’actes racistes. Dépendamment des situations et de la capacité de chaque personne, Steeve Abel conseille d’au moins signifier à la victime qu’on est présent. «Offrir de l’aide, c’est réconfortant», dit-il. 

Selon Cathy Wong, le rôle des témoins alliés dans la lutte au racisme est tout aussi important que celui des personnes victimes de racisme.  

«Le fait de décharger cette responsabilité des épaules uniques des personnes racisées et surtout de responsabiliser les personnes qui ne sont pas issues des minorités visibles à cette conversation et à une urgence d’agir serait déjà une première étape importante dans la lutte contre le racisme», affirme-t-elle. 

De son côté, Charles propose aux témoins de distraire l’assaillant ou de prétendre connaître la victime pour désescalader la situation. 

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