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Quand la COVID contamine la langue

Confinement est devenu d'usage courant
Des mots anciens ont pris de nouveaux sens pour décrire la réalité de la pandémie. Photo: Amine Esseghir

La pandémie a introduit beaucoup de nouveaux mots dans le vocabulaire courant. Cette nouvelle réalité ne s’est pas limitée aux nouveaux comportements : elle a touché la langue. Elle a ajouté aussi une nouvelle façon de parler et d’écrire.

Désormais, des mots de la médecine comme anosmie ou agueusie n’ont plus de secret pour les gens ordinaires. Ils sont entrés dans la langue courante

«Ce qui est caractéristique de la pandémie, c’est qu’elle a fait entrer des termes savants dans la langue de tous les jours», remarque le professeur émérite de l’Université Laval, Claude Poirier, qui a participé à l’élaboration de dictionnaires de la langue française.

Pour la linguiste qui dirige le Multi dictionnaire de la langue française, Marie-Éva de Villers, les gens ont eu besoin de mots pour décrire ce qui se passait et ont puisé dans ce qui était déjà disponible.

«Ce sont des termes spécialisés qui pour la plupart existaient déjà et qui appartenaient aux épidémiologistes où aux gens du domaine médical», souligne-t-elle.

«Il y a des mots qui sont sortis de leur confinement et certains ont pris des significations un peu différentes», note M. Poirier.

Confinement fait justement partie de ce vocabulaire de la pandémie écrit et lu tous les jours. On lui a aussi créé son contraire pour expliquer ce qui se passait.

«On ne connaissait pas déconfinement, mais c’est un phénomène socio-linguistique tout à fait naturel», signale le chroniqueur radio de la langue française, Guy Bertrand.

«Si on interroge le grand dictionnaire terminologique, il y a une fiche sur déconfinement. Le mot est bien formé, alors il n’y a pas de raisons de ne pas l’accepter», convient Mme de Villers.

Élargissement

Des termes qui étaient réservés à un domaine très particulier ont vu aussi leur sens étendu. Présentiel, un mot du domaine de l’éducation qui signifie être présent à un cours, s’utilise pour tout rassemblement ou réunion qui ne se fait pas en personne.

«Je le trouve plutôt pratique. Je n’ai rien à redire. Il sera accepté. C’est une question d’habitude», soutient l’ancienne enseignante à HEC Montréal, Marie-Éva de Villers.

Il reste que ce n’était pas un mot répandu, qui a moins de 20 ans d’existence, croit M. Poirier.

«Beaucoup de gens le détestent parce que c’est un petit peu de la langue de bois. Il est possible d’élargir le sens d’un mot facile. On peut l’appliquer partout. Mais c’est quand même drôle qu’on ait pas inventé absentiel par contre», relève Guy Bertrand.

Nouveautés

Il y a eu aussi les nouveaux mots et leurs problèmes. Un début de polémique avait émergé dans le monde francophone sur le genre de COVID-19. Cet acronyme de Corona Virus Disease était tantôt féminin, tantôt masculin.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait indiqué que c’était féminin en se référant à Disease, signifiant maladie en anglais.

«Rapidement, l’Office québécois de la langue française a statué sur le genre et du jour au lendemain, tous les médias ont opté pour le féminin», rappelle Mme de Villers.

Si en France et dans les pays du Maghreb on continue à dire Le COVID, Mme de Villers assure que l’Académie française a conclu aussi au féminin du terme.

«En France, il suffit qu’on donne un avis officiel en matière de langue pour que les gens fassent à leur aise», mentionne-t-elle.

Gestes-barrières, couvre-visage, tous les nouveaux mots ou expressions qui ne sont pas dans le dictionnaire ou ceux dont le sens reste limité seront dans la nouvelle édition du Multi dictionnaire, à paraître en mai 2021. La pandémie aura alors contaminé officiellement la langue.

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