Le coronavirus, ce baume pour l’environnement
La planète respire mieux depuis quelques jours, et Montréal aussi. Avec l’isolement volontaire de milliers de travailleurs et les déplacements qui sont limités en raison de la pandémie, l’environnement bénéficie d’une pause de gaz à effet de serre (GES).
Les compagnies aériennes coupent drastiquement le nombre de vols, les rues, les autoroutes, les places publiques et même les transports en commun ont rarement été aussi déserts, ce qui fait dire à certains experts qu’il est temps de faire une prise de conscience sur nos systèmes de transports.
On ressent l’effet principalement à Montréal, une zone urbaine, même si le débit de circulation du camionnage demeure assez soutenu afin de maintenir l’approvisionnement.
«L’impact est vraiment phénoménal du côté de l’utilisation de la voiture personnelle», indique le chargé de cours en planification des transports de l’UQAM, Pierre Barrieau.
En janvier, l’enquête Origine-Destination de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) démontrait que 68% des déplacements à l’heure de pointe du matin sont effectués en auto. Le parc automobile, lui, aurait continué de croître dans les dernières années, avec 2,6 millions de véhicules.
Pour la directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe, la crise actuelle permet à la société de prendre un pas de recul sur sa mobilité.
«Dans ce moment de réflexion, on constate qu’on peut consommer beaucoup moins», dit-elle, tout en rappelant que plusieurs citoyens souffrent économiquement des conséquences de la pandémie de la COVID-19.
Frontières
Avec les voyages pratiquement tous annulés, les compagnies aériennes comme Air Canada, WestJet, Sunwing et Air Transat ont cloué presque tous leurs appareils au sol pour les prochaines semaines, limitant leurs opérations à l’essentiel.
«Des compagnies devraient prendre avantage de ce ralentissement pour mettre au rencart les vieux avions qui étaient déjà près de la fin de leur vie utile, indique M. Barrieau. À partir de là, on va se débarrasser des appareils les plus polluants.»
L’aviation civile serait d’ailleurs responsable de 2% des émissions de carbone à travers le monde, estime le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
«Il y a une grande croissance dans le secteur aérien mondialement», dit M. Barrieau.
À Venise, en Italie, la baisse de l’achalandage touristique et des déplacements des bateaux a permis à l’eau des canaux de retrouver sa clarté.
«Les changements climatiques vont nous amener des situations semblables [au coronavirus].»
Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre
Classe politique
La baisse de circulation mènera-t-il les gouvernements à poser des actions concrètes pour améliorer le système de transport ? Le professeur de science politique à l’UQAM, André Lamoureux, est loin d’être convaincu.
«Il n’y aura pas de transition magique, même avec la reprise [des activités] économiques. Tout dépend des volontés politiques à l’international», dit-il, soulignant les contrecoups de la mondialisation, alors que les états sont dépendants les uns des autres.
Les leçons de la crise du coronavirus pourront s’appliquer pour les épisodes climatiques à venir, croit la directrice générale d’Équiterre, Colleen Thorpe.
«On souhaiterait qu’avec les fonds de relance de l’économie, si on décide de créer des infrastructures, que ce soit des infrastructures de transports collectifs et non routières», explique-t-elle, alors que le premier ministre François Legault a annoncé l’accélération des projets publics pour amoindrir l’impact de la COVID-19 dans le privé.
Les émissions de GES ont chuté de 9,1% entre 1990 et 2016 au Québec, mais légèrement augmenté dans les dernières années.
266 227
En 2019, Aéroports de Montréal (ADM) a comptabilisé 266 227 mouvements aériens.