Arrival: Un premier contact des plus réussis pour Villeneuve

Notre journaliste Natalia Wysocka se trouve présentement à la Mostra de Venise, célèbre festival international de cinéma en Italie.
Retenu sur le tournage du mégaprojet Blade Runner 2, Denis Villeneuve n’a pas assisté à la première mondiale d’Arrival, qui s’est tenue hier à la Mostra de Venise. Mais son oreille gauche (celle du cœur) a dû «siller» très fort, car tout le monde parlait de lui, et de son film présenté en compétition, en bien. En vraiment, vraiment bien.
«Un homme d’une immense profondeur, d’une grande intelligence émotionnelle. Un génie!» a dit l’acteur Jeremy Renner. «Un film combinant classe, brillance et esthétique cool», a souligné le Hollywood Reporter.
Oui, Denis Villeneuve a sans contredit créé le «bourdonnement» du jour à Venise. Et le bruit ne risque pas de s’éteindre dans les semaines à venir.
Affairé sur le plateau de Blade Runner 2, le réalisateur québécois n’était pas aux côtés de son équipe pour prendre part à la traditionnelle et toujours étonnante conférence qui suit la projection des films pour la presse. Ainsi donc, les vedettes d’Arrival, Amy Adams et Jeremy Renner en tête, n’avaient aucune obligation (sourire en coin) d’être gentilles et polies juste pour la forme. «Ha! ha! ha!, oui, bien sûr, on était comme une grande famille (mais au fond, on avait tous envie de s’entretuer).»
«Une chose que le film saisit si bien, et que je trouve fascinante, c’est à quel point, quand l’humanité baigne dans une période trouble, elle réussit quand même à toujours faire preuve de compassion.» – Jeremy Renner
L’air ravis et honnêtement transformés par l’expérience de tournage, les artistes n’ont pas tari d’éloges, sincères et senties, pour le cinéaste québécois. Collaborer avec lui? «C’était véritablement l’une des plus grandes joies de ma carrière, a confié Amy Adams. Denis a une méthode de travail si particulière! Il est tellement concentré, tellement focused! Ou, comme il dirait, fukusst. Il est si patient. Je n’avais encore jamais vu un tel calme chez un metteur en scène.»
Levant son verre de vin blanc d’après-midi, Jeremy a également salué, santé!, le côté posé et pas stressé du réalisateur. «Il m’a donné, à moi et à tout le monde, la permission d’être “poches”… afin de mieux pouvoir briller au final, a-t-il philosophé. Cela dit, Denis est ouvert à la collaboration, mais il est, sans hésitation, le commandant absolu de son navire!»
Ce navire que le réalisateur a piloté en est un d’imposant. Adapté du roman Story of Your Life, de l’auteur américain Ted Chiang, Arrival baigne dans une mélancolie à la fois douce et troublante. Touchant au deuil, et au destin, le film aborde, principalement, la question de la communication. À savoir: comment fait-on pour échanger avec autrui quand on ne connaît pas les mêmes mots? Quand nos façons de s’exprimer sont à des années-lumière l’une de l’autre? («Personnellement, je trouve que les mots limitent les émotions, a lancé, à ce sujet, Jeremy Renner. Je sens souvent que je fucke des discussions par mes paroles.»)
Nouveau départ
Lorsque l’œuvre commence, des entités extra-terrestres débarquent sur Terre, dispersées à bord de plusieurs vaisseaux. Ces derniers prennent la forme de blocs monolithiques; de sculptures ovales, imposantes dans leur simplicité et n’ayant rien à voir avec les classiques ovnis pétaradants et lumineux (d’ailleurs, tout l’aspect visuel du film est fait de nuances et de subtilités).
Une éminente linguiste et un tout aussi éminent mathématicien, incarnés par Adams et Renner, donc, sont alors envoyés pour établir un Premier contact (qui se trouve à être le titre de la version française) avec ces créatures d’un autre monde.
Pour ce huitième long métrage, Denis Villeneuve a refait équipe avec des collaborateurs du passé. Comme le monteur Joe Walker, qui a posé sa griffe sur le géant thriller des cartels Sicario. Puis, le compositeur islandais Jóhann Jóhannsson, qui avait composé la trame de ce même thriller et qui récidive de nouveau avec brio. La présence envoûtante de ses pièces originales a par ailleurs enthousiasmé les membres de l’équipe.
«La musique peut soit élever, soit blesser une œuvre, a très justement remarqué Amy Adams. Dans ce cas-ci, elle l’élève clairement.» Et ce n’est pas le seul élément qui a cet effet sur le film. D’ailleurs, les fans de prédiction et de saison des galas seront assurément ravis de savoir que les mots «Lion d’or» et même «Ossssscar» (déjà!) ont rempli de leur écho le Palais du cinéma…
Tous amoureux d’Amy
Outre la réalisation de Denis Villeneuve, la majorité des critiques ont encensé la performance tout en retenue de l’héroïne d’Arrival, Amy Adams. «Elle sait sculpter des mondes intérieurs», a remarqué à son sujet le producteur du film, Shawn Levy (qui, pour la petite histoire, est également producteur du hit de Netflix de l’heure, Stranger Things.)
Rappelons que la rousse actrice de 42 ans a été, à ce jour, nommée cinq fois aux Oscars – entre autres pour l’ultime The Master, de Paul Thomas Anderson. Elle n’est cependant encore jamais repartie avec la statuette dorée.
D’une voix douce, Amy a répété hier à quel point elle avait aimé jouer, pour Villeneuve, une linguiste de peu de mots, marquée par la douleur et dont la majorité des émotions passent par le visage, le corps.
L’interprète a gardé cette même voix douce lorsqu’une journaliste, qui n’a clairement pas été happée par la philosophie de Justin et par son désormais-assez-célèbre-pour-être-imprimé-sur-un-t-shirt slogan «parce qu’on est en 2016», a voulu savoir comment c’était de «jouer une linguiste qui est AUSSI une mère». Eeeeeeerh. Ne roulant même pas subtilement des yeux (alors que les nôtres se trouvaient quelque part, bien loin dans le fond de notre crâne), la star a élégamment répondu qu’elle connaissait plusieurs mamans, et même des papas («incroyable», a dû penser la dame) qui savaient conjuguer vie professionnelle, familiale et sentimentale.
Top classe.