Ouvrir le «Fridge» pour dire non au gaspillage alimentaire
Sous ses allures modestes, le Fridge pourrait bien devenir un nouvel outil de lutte contre le gaspillage alimentaire et la faim. Inauguré mardi soir dans La Petite-Patrie, ce réfrigérateur communautaire permettra de nourrir des personnes dans le besoin, avec l’aide et la contribution des citoyens et des commerçants du secteur.
L’idée n’est pas nouvelle. Elle est déjà connue en Europe, notamment en Allemagne, mais reste encore marginale au Québec. Pourtant, les Québécois perdent en moyenne chaque année 771 $ en nourriture jetée, ce qui fait d’eux les champions du gaspillage alimentaire. Au Canada, on estime que 27 milliards de dollars de nourriture disparaissent chaque année, selon une étude du Value Chain Management Center, publiée en 2010.
«Le gaspillage alimentaire m’émeut beaucoup et pas vraiment dans le bon sens. En faisant mes recherches pour mon mémoire sur le droit à l’alimentation, je suis tombée sur cette initiative berlinoise de réfrigérateur communautaire. J’ai pensé que cela pourrait fonctionner ici, vu que Berlin et Montréal, c’est un peu la même vibe», explique Jessica Dufresne, instigatrice du Fridge.
Épaulée par une amie, Émilie Papineau, Mme Dufresne est allée cogner à la porte du Regroupement de la table de concertation de La Petite-Patrie, qui lui a ouvert les portes de son local «La Place», situé dans le chalet du parc Montcalm, avenue Papineau.
Projet-pilote
Le principe est simple. Au lieu de jeter, on vient déposer un plat cuisiné, des fruits, des légumes, des boîtes de conserve, autant d’aliments encore bons à consommer dans le réfrigérateur, le congélateur ou le panier mis à disposition. Les personnes dans le besoin peuvent ainsi venir se servir, à l’abri des regards, dans l’intimité du chalet.
«On demande simplement aux gens d’inscrire la date à laquelle la nourriture a été emballée, d’inscrire leur nom, s’il y a des aliments allergènes et si certaines choses ont déjà été congelées. En échange, on s’engage à venir nettoyer et faire le tri tous les lundis», indique Mme Papineau.
Les citoyens, mais aussi les commerçants sont appelés à collaborer. La boulangerie de Froment et de Sève, située sur la rue Beaubien, est d’ailleurs le premier commerce à avoir répondu présent, en fournissant pizzas, pains et autres viennoiseries pour le lancement et s’est engagée à contribuer chaque semaine.
«Beaucoup de gens sont séduits par l’idée et veulent lancer des initiatives similaires dans d’autres quartiers. Mais, on n’a pas encore de recul, on va voir comment cela fonctionne. Pour l’instant, le réfrigérateur sera disponible du mardi au jeudi, de 13h à 18h. On espère pouvoir étendre la plage horaire», ajoute Mme Papineau.
L’initiative reçoit déjà un accueil très positif dans le quartier. En témoigne, les personnes dans le besoin, présentes mardi soir.
«Je n’en reviens pas. C’est comme un cadeau. Je suis émerveillée. Je suis sur l’aide sociale alors ce n’est pas évident», confie Martine.
À ses côtés, une voisine, visiblement très touchée, pleure dans les bras de Mme Papineau. «Quand je lui ai dit que le Fridge était ouvert toutes les semaines, elle n’en revenait pas. Son émotion m’a bouleversée. Elle m’a serrée contre elle pour me remercier. J’ai pleuré», raconte, encore émue, celle qui porte le projet depuis plusieurs semaines.
Sur place, une feuille attend les bénévoles qui souhaiteraient s’engager, en donnant de leur temps, de la nourriture ou des récipients vides, par exemple.
Lors de l’inauguration, plusieurs personnes s’étaient déjà inscrites, à l’image de Thérèse et Marielle. «On va venir porter de la bouffe de temps en temps. On aime l’idée que les commerçants et les traiteurs puissent venir déposer leur invendu ici. Cela évite également aux gens de fouiller les poubelles pour trouver de quoi manger», expliquent les deux résidentes du quartier.
Sur Facebook, la page du Fridge a reçu le soutien de plus de 2000 personnes.
Les deux amies qui portent le projet souhaitent que leur idée «fasse des petits» et espèrent pouvoir installer un autre réfrigérateur dans le quartier Rosemont.